Tête de Voltaire par Huber

Entrer aux Archives nationales – parcours de recherches archivistiques
Troisième journée des jeunes chercheurs de la Société Voltaire

La troisième journée de jeunes chercheurs organisée par la Société Voltaire s’est déroulée le 4 février 2012 aux Archives nationales. Parmi la trentaine de participants, on comptait de nombreux membres de la Société Voltaire, des jeunes chercheurs déjà présents lors des précédentes éditions et de nouvelles recrues. Comme les années passées, l’assemblée frappait par sa diversité géographique et disciplinaire, mais avait un point commun: la passion pour la recherche et pour le XVIIIe siècle.

La matinée s’est ouverte par une visite des grands dépôts, véritables coulisses des Archives, et de l’hôtel de Rohan-Soubise, perle architecturale et ornementale du style rocaille.

Elle s’est poursuivie avec une intervention stimulante de Yann Potin, historien et chargé d’études documentaires aux Archives nationales, qui a présenté le cadre de classement des Archives en esquissant son histoire passée et à venir, ainsi que les problématiques propres à l’institution qui souffre d’une double orientation, arsenal de l’administration ou grenier de l’histoire. Un aperçu des différentes séries à partir du «tableau systématique» de 1811, en particulier celles susceptibles d’intéresser le dix-huitiémiste (par exemple, les séries E, F, G, M, P, S, V, X, Y), a permis d’en cerner les contours, notamment en termes de complétude.

L’après-midi, articulée autour de quatre communications qu’ont enrichies les réactions et les questions de l’assistance, a offert aux participants une plongée dans les archives: Sébastien Annen et Julie Doyon, doctorants en histoire moderne, ont présenté leurs recherches. Le premier a exposé son cheminement dans les archives judiciaires, en particulier les archives judiciaires criminelles de la Grande Chancellerie (séries V1 648 à 663) et celles du Conseil privé du roi (série V6), rendu possible grâce aux minutes (V6 779 à 1154) et aux registres des plumitifs qui synthétisent les affaires entre 1739 et 1787 (V6 1159 et 1160). Il a déployé le champ des acquis et des hypothèses relatives à l’erreur judiciaire et plus spécifiquement au fonctionnement du bureau des cassations et questionné l’impact voltairien des affaires Calas, Sirven, ou La Barre qui semblent avoir donné une forme de publicité aux voies de recours prévues par la loi. La seconde doctorante a évoqué à son tour les pratiques judiciaires à l’époque des Lumières sous l’angle de l’arbitraire et en prenant pour support le parricide. Son exploration des archives du Parlement de Paris (AN, la série X en particulier, et Archives de la préfecture de police) fait émerger une justice entre clémence et sévérité, fruit d’une politique de terreur équilibrée (marquée par un durcissement répressif à la suite de l’attentat de Damiens). Une autre image de la justice se dessine: l’institution a conscience de la nécessité de la certitude probatoire (on constate corollairement une importance grandissante de la médecine légale) et s’avère ainsi plus exigeante que certains penseurs ont pu la décrire, quoiqu’elle soit toujours impénétrable, malgré la médiatisation des affaires les plus sévèrement punies qui contribue à biaiser le regard porté a posteriori.

Les archives de la justice ont laissé place à celles de la propriété foncière avec Andrew Brown et Pierre Leufflen qui ont livré aux auditeurs un aperçu de leur enquête à la recherche de la maison parisienne de Voltaire et d’Emilie Du Châtelet. Ils ont dispensé de nombreux conseils méthodologiques en évoquant la série S (où se trouvent les documents relatifs aux saisies religieuses), le service de la topographie parisienne, les ressources du Minutier Central et les utiles registres (microfilmés) des études.

Dominique Varry a quant à lui rappelé la nécessité de fonder les recherches sur les sources primaires, qu’elles prennent la forme d’archives au sens strict, ou d’ouvrages spécifiques. Dispensant des rudiments de bibliographie matérielle à partir d’exemples précis, il a montré combien chaque livre est unique, portant à lui seul toute une histoire, la grande histoire du livre, des auteurs à leurs libraires (officiels ou contrefacteurs) et à leurs lecteurs, particuliers ou d’institution. Ont été mentionnées plusieurs références bibliographiques et bases de données (comme celles de «Fleuron», «Maguelone» ou «Moriâne», auxquelles les chercheurs ne doivent pas hésiter à contribuer) pour guider les jeunes chercheurs dans cette voie complexe et méconnue.

Le XVIIIe siècle a été à l’honneur jusqu’au soir puisque certains participants ont eu le plaisir d’assister au récital baroque, donné par l’association «Jeunes talents», dans le cadre exceptionnel de la chambre du Prince de l’hôtel de Soubise.

Cette journée, rendue possible grâce aux personnels des Archives (qu’ils en soient encore vivement remerciés), a été tout à la fois conviviale et d’une grande richesse scientifique; elle a favorisé de stimulants échanges entre les générations dans un esprit de partage et d’ouverture. C’est en toute franchise qu’ont pu intervenir les jeunes chercheurs réunis par une même curiosité intellectuelle. Il a été convenu qu’une quatrième journée serait organisée l’an prochain, peut-être sur le thème de la bibliographie matérielle.

Béatrice Ferrier et Stéphanie Géhanne

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