Tête de Voltaire par Huber

Cahiers Voltaire | Voltaire et le Panthéon

L'enquête, «Voltaire et le Panthéon», sera reconduite dans le numéro 20 des Cahiers Voltaire à paraître en octobre 2021.

Programme et chronologie

Ce cadre de travail réunit par ordre chronologique deux types de données:

- des faits ou événements de l’histoire générale du Panthéon et de l’histoire posthume de Voltaire par rapport au Panthéon;

– des indications référencées de documents dont l’étude, l’analyse ou la comparaison pourraient nourrir la suite de notre enquête.

Sauf exception, les références ne concernent que des écrits – imprimés ou manuscrits. Les données traitées dans les notices déjà publiées (CV 17-19, 2017-2020) ont été signalées sommairement. Une seconde liste est en préparation pour les documents iconographiques.

On a indiqué en annexe des recherches en cours et des documents perdus de vue.

[1778]-1779-[1791]

Que dis-je? Ô de mon siècle éternelle infamie! [...]
Où repose un grand homme un dieu vient habiter.

Ce passage de vingt-sept vers du chant XI des Mois de Roucher, déplorant le refus de sépulture et le délaissement des restes de Voltaire, avait été censuré à l’impression en 1779: il resurgit à l’approche de la translation, d’abord dans la presse (Journal de la langue française, 25 juin 1791, p. 462-466 – Chronique de Paris, 3 juillet, p. [1] – Lettres bougrement patriotiques du véritable Père Duchêne, lettre 114e, s. d., p. 7-8, etc.), puis dans les almanachs pour 1792 (Almanach des Muses et Almanach littéraire). Le devenir du morceau reflètera ensuite l’histoire de Voltaire au Panthéon: tabou à nouveau sous la Restauration, il sera redécouvert après 1870 et salué sous la IIIe République. Voir Louis Amiable, «Un poème révolutionnaire en 1779: Les Mois de Roucher», La Révolution française. Revue historique, août-septembre 1895, p. 132-149 et 233-254.

[1778]-1779-[1791]

Pastoret (Emmanuel), Eloges de Voltaire (1779): autre pressentiment du Panthéon. C’est Pastoret qui présentera à l’Assemblée constituante, en tant que procureur élu du directoire du département de Paris, le projet d’un «monument des grands hommes» (CV19, 2020, p. 201-217).

1789-1791

Achevée en 1789, la Vie de Voltaire de Condorcet parut en avril 1790, anticipant le Panthéon par l’évidence d’un combat contre l’Ancien régime et pour les droits de l’homme – la révolution en cours y est évoquée. Un compte rendu de l’ouvrage en souligna aussitôt l’actualité: «Le premier auteur de cette grande révolution qui étonne l’Europe, et répand de tout côté l’espérance chez les peuples, et l’inquiétude dans les cours, c’est, sans contredit, Voltaire» (Mercure de France, 7 août 1790, p. 27, recension signée D, p. 26-43). La Vie de Voltaire entrera dans le cortège avec un modèle figuré de l’édition de Kehl offerte à la nation [1791 2 et 7 juillet] – elle en couronnait le dernier volume.

1790 9-22 novembre

Discours de Charles Villette au Club des Jacobins, le 9 : premier appel public pour ramener à Paris les restes de Voltaire et les placer «dans la nouvelle Sainte-Geneviève» (discours publié dans la Chronique de Paris, 12 novembre 1790, p. [1]-[2]). Villette fit le même jour une demande en ce sens auprès de la Municipalité au nom de la Société de 1789 (Actes de la Commune de Paris, éd. Sigismond Lacroix, t. I, 1900, p. 209 et 232-234). L’appel sera réitéré le 19 novembre dans une lettre publique (Chronique de Paris, 23 novembre 1790, p. [1], avec proposition d’un nom pour le monument national: Panthéon français) et le 22 novembre au Théâtre de la Nation lors de la troisième reprise de Brutus (ibid., 25 novembre 1790, p. [2]). Villette renouvellera trois mois plus tard sa démarche auprès du Conseil de la commune  [1791 7 mars]. Une notice pourrait être consacrée à ce premier moment Villette de la translation. Sur le devenir du nom «Panthéon français», voir Actes de la Commune de Paris, éd. Sigismond Lacroix, t. IV (1905), p. 295-297.

1790-1791

La Vraie conspiration dévoilée, pamphlet anonyme (attribué à l’abbé Jabineau), 1790, 65 p. L’auteur dénonce un complot «d’anéantissement de la Religion». L’édition augmentée de 1791 (102 p.) y ajouta une dénonciation de «l’apothéose des impies», prouvant la thèse (p. 93-102).

1791 7-9 mars

Délibération du Conseil général de la commune de Paris sur la seconde démarche de Villette, après celle du 9 novembre 1790 restée sans réponse: le conseil nomme deux de ses membres, Charron et Cousin, pour traiter la demande. Voir Actes de la Commune de Paris, éd. Sigismond Lacroix, t. III (1903), p. 95-96 – Cousin paraît s’être vite effacé. Charron répondit à Villette le 9 mars, réponse publiée dans la Chronique de Paris du 15 mars avec la lettre de Villette, p. [2].

1791 3-4 avril

Présentation et vote du décret de l’Assemblée constituante destinant «le nouvel édifice de Sainte-Geneviève à recevoir les cendres des grands hommes, à dater de l’époque de la liberté française» et y faisant entrer Mirabeau (mort le 2 avril). Le projet initial prévoyait «des exceptions pour quelques grands hommes morts avant la Révolution, tels que Descartes, Voltaire et Jean-Jacques Rousseau». Le texte adopté ne concerne que Mirabeau et renvoie les autres décisions à des décrets ultérieurs, d’où pour Voltaire les décrets des 8 et 30 mai 1791. Sur l’institution du Panthéon et sur Emmanuel Pastoret qui en avait présenté le projet à l’Assemblée comme procureur général syndic du directoire du département de Paris, voir CV19 (2020), p. 201-217.

1791 6 avril

Protestation de Marat dans L’Ami du peuple, no 421, p. 4-8, contre l’institution politique d’un monument des grands hommes et d’avance contre l’entrée de Voltaire, corrupteur de la jeunesse et homme vil – repère marquant par rapport au futur débat de 1796 au Conseil des Cinq-Cents.

1791 avril /début mai

Le Panthéon français, ou la désertion des Champs-Élysées, pièce manuscrite anonyme, restée inédite et jamais représentée. Voltaire y joue un rôle fondateur, quoique secondaire dramatiquement. Voir la notice publiée dans CV17 (2018), p. 186-191.

1791 avril / mai

Représentations d’un citoyen à la Nation [sur le transport des cendres de Voltaire], 10 p. in-8o, signé «Héron, citoyen de la section de Ste-Geneviève». Contribution au choix du lieu d’un monument national: proposition alternative du Champ de la Fédération.

1791 20 avril-10 mai

Démarches et pourparlers entre la Société des Amis de la Constitution de Troyes et la municipalité de Romilly pour la conservation et un partage éventuel des restes de Voltaire après la vente nationale attendue de l’abbaye de Scellières  (Archives de l’Aube, série L, liasses 1433 et 1435). Voir aussi Albert Babeau, Histoire de Troyes pendant la Révolution, 1787-1792, Paris, 1873, 2 vol., tome I, p. 473 et suivantes.

1791 mai

Manifeste du pape à toutes les puissances catholiques pour former une croisade contre la France [...], 16 p. Réponse facétieuse au bref papal Quod aliquantum contre la Constitution civile du clergé (10 mars 1791) et à l’encyclique Adeo nota condamnant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen comme «contraire à la religion et à la société» (23 avril 1791). Pamphlet anti-papal et patriotique, avec malédiction parodique de «l’impie Voltaire, et J.J. Rousseau, monstres abominables, vomis par la colère pour faire le malheur des peuples» (p. 12).

1791 3 mai

Vente publique des biens-fonds de l’abbaye de Scellières, adjugés pour 300000 livres à Louis-César de Baulny, ancien administrateur des domaines, demeurant à Paris. Document exploité par Albert Babeau, L’Exhumation de Voltaire, Troyes, 1874, p. 6 et n. 1, avec la référence: Archives de l’Aube, Actes de vente des biens nationaux, no 191.

1791 4 mai

La municipalité de Paris entérine la nouvelle appellation «Quai Voltaire» donnée au ci-devant «Quai des Théatins» à l’initiative de Villette. Voir Actes de la Commune de Paris, éd. Sigismond Lacroix, t. IV (1905), p. 122-123 et 128-129.

1791 8 mai

Délibération de l’Assemblée nationale et décret conservatoire de translation du corps de Voltaire de l’abbaye de Scellières à l’église de Romilly, la suite étant renvoyée pour étude au comité de constitution de l’assemblée. Voir la notice publiée dans CV17 (2018), p. 191-206.

1791 10 mai

Réception à Romilly et exécution du décret du 8 mai, exhumation des restes de Voltaire à l’abbaye de Scellières et transfert à l’église paroissiale de Romilly: voir le procès-verbal de la journée dans Albert Babeau, L’Exhumation de Voltaire, Troyes, 1874, p. 8-10.

1791 9 mai

Au Conseil du département, le directoire se saisit par avance de la responsabilité de «donner plus de solennité au jour où conformément au décret de l’Assemblée nationale, les restes de Voltaire seraient transférés de l’église de Romilly dans celle de Sainte-Geneviève» (Actes de la Commune de Paris, éd. Sigismond Lacroix, t. IV, 1905, p. 260). Au Conseil général de la commune, Joseph Charron, nommé en mars, est confirmé comme commissaire à la translation (Ibid., p. 183 et 259-260).

1791 12 mai

Lettre de La Harpe aux rédacteurs de la Chronique de Paris, publiée le 15 mai. Anticipant le vote d’un second décret, il y représente Voltaire combattant contre «les trois grands fléaux de l’humanité»: «la superstition qui transforme l’homme en bête, le fanatisme qui en fait une bête féroce et le despotisme qui en fait une bête de somme». Document mentionné dans CV17, p. 202.

1791 15 mai

Le décret du 8 mai est sanctionné en loi par Louis XVI.

1791 20 mai

«Les bienfaits de Voltaire envers le bon peuple français», article de la Chronique de Paris, p. [1]-[3], non signé. Substantielle adresse de pédagogie populaire, préparant la célébration prochaine. On y retrouve mot à mot la phrase de La Harpe sur «les trois grands fléaux de l’humanité».

1791 30 mai

Sur le rapport de son comité de constitution, présenté par le député Gossin, l’Assemblée nationale décerne à Voltaire «les honneurs réservés aux grands hommes», décrète la translation de ses restes «de l’église de Romilly dans celle de Sainte-Geneviève à Paris» et confie l’exécution au directoire du département. La séance, documentée dans les Archives parlementaires (site Persée), appelle une notice particulière. Voir CV17, p. 191, 198 et 204; CV19, p. 202. Ce décret du 30 mai sera sanctionné en loi par Louis XVI le 1er juin.

1791 4 juin

Le Directoire du département entend le rapport du conseiller municipal Charron et le confirme comme «commissaire spécial» de la translation. Les dispositions déjà prises sont approuvées. La date de la translation est fixée au 4 juillet – elle sera différée, en plusieurs fois, jusqu’au 11 juillet. Voir Translation de Voltaire à Paris, et détails de la cérémonie qui aura lieu le 4 juillet, arrêtés par le directoire du département de Paris sur le rapport de M. Charron, officier municipal commissaire à la translation (38 pages in-8o), p. 5-32 pour le rapport de Charron et p. 33-35 pour l’arrêté du directoire. C’est une pièce centrale pour l’enquête. L’exemplaire de la Taylor Institution, consultable en ligne, provenant de l’encyclopédiste Michel Adamson, présente des marques de lecture et un dessin à la plume de l’un des deux chars utilisés pour la cérémonie (p. 17).

1791 20 juin

Publication de la brochure Translation de Voltaire à Paris. Les rubriques «Ordre du cortège» (p. 25-29) et «Marche du cortège» (p. 29-32), largement reproduites dès le 20 dans la presse, feront office de programme officiel. L’étude des relations de l’événement devrait se référer à ce document pour y contrôler et définir des changements intervenus par la suite, les dispositions ayant évolué après la «fuite à Varennes» (20-25 juin) pour la participation des sections parisiennes et de la garde nationale: voir les premières observations de CV17 (2018), p. 216, 233, 235, et CV18 (2019), p. 247. Deux journaux au moins prirent cette évolution en compte, Le Courrier des LXXXIII départements dont le numéro du 10 juillet contient ce dernier avis sur la «Marche du cortège de Voltaire»: «Nous ne donnerons pas l’ordre du cortège, parce qu’il serait possible qu’il y eût encore quelques changements»; et le Mercure universel, qui relève expressément dans sa relation du 13 juillet des «changements» constatés par rapport à son «No 113», le numéro du 20 juin qui avait exposé les dispositions initiales du rapport Charron. Trois impressions tardives du programme de Charon ont été repérées, qui pourraient être confrontées: BnF, 8o-Ln27-20805, 8o-Lb27-20806 et 8o-Lb39-10085.

Lettre apologétique à Messieurs les administrateurs du Département de Paris, 12 p., anonyme. Commentaire minutieux, ironique et critique, des dispositions arrêtées pour la cérémonie dans le rapport Charron, qui venait de sortir. Inspiration antiphilosophique.

1791 23 juin

Démarche de Charron au Conseil du département pour s’enquérir d’un éventuel report de la translation, en prévision du retour du roi ramené à Paris: «Le département n’a trouvé aucun motif de la retarder» (Actes de la Commune de Paris, éd. Sigismond Lacroix, t. V, 1907, p. 126). La date sera reportée jusqu’au 11 juillet (ibid., p. 283-285).

1791 juin-juillet

«Voltaire à l’affiche»: une notice est souhaitable, transversale, sur l’offre «voltairienne» des scènes parisiennes dans ce moment de la panthéonisation. De Voltaire lui-même furent repris: Mahomet (à l’affiche le soir de la translation au Théâtre de la Nation), Brutus, Nanine, etc. Autour de Voltaire: les deux pièces sur les Calas, deux autres sur l’affaire La Barre, La Bienfaisance de Voltaire, etc. Créé pour le retour de Romilly, le Voltaire à Romilly de Willemain d’Abancourt pourrait être traité à part (1791 10 juillet).

1791 fin juin-10 juillet

Joseph Charron a dû quitter Paris pour Romilly le 23 juin ou peu après; reparti de Romilly le 6 juillet, il ne ramènera la dépouille de Voltaire à Paris que le 10, au milieu d’un immense cortège populaire et festif, grossi et retardé au fil des six étapes, Nogent, Provins, Nangis, Guignes, Brie-Comte-Robert et Créteil. Dans la mémoire collective, ce premier temps de la translation, on l’a déjà noté (CV17, 2018, p. 202 et 231; CV18, 2019, p. 247; CV19, 2020, p. 202), est estompé voire effacé au profit des deux grands rituels parisiens de la Bastille et du Panthéon: la marche triomphale et le char d’apparat ont déclassé le premier convoi provincial et son char rustique – fabriqué à Troyes. Une notice à part s’impose. Une relation annoncée de Charron aurait pu y suppléer (Chronique de Paris, 14 juillet 1791, p. [3]), mais elle ne fut pas imprimée. Parmi les journaux, quatre sont attentifs au pays profond: la Feuille de Correspondance, La Feuille villageoise, Le Courrier des LXXXIII départements et les Révolutions de Paris. Les archives des communes traversées ont été exploitées sommairement dans une étude ancienne: «Derniers honneurs rendus aux cendres de Voltaire dans le département de Seine-et-Marne», par Camille Bernardin, Bulletin de la société d’archéologie du département de Seine-et-Marne, vol. 7 (1873-1874), Meaux, 1875, p. 145-151. Des nouvelles locales de mai à juillet 1791 se trouvent aussi dans le Journal des clubs, 6-12 mai; le Mercure universel, 10 mai, 6 juin et 2 juillet; la Gazette nationale, 22 mai, etc. Sur la dernière étape à Créteil, voir CV19, 2020, p. 208. Voir aussi Albert Babeau, Histoire de Troyes pendant la Révolution, 1787-1792, Paris, 1873, 2 vol., t. I, p. 439-442.

1791 1er juillet-

Des arrêtés municipaux sont pris à la demande du directoire du département pour le bon ordre et la sûreté de la manifestation, dont seront chargés selon l’usage «MM. les administrateurs des travaux publics» de la commune: voir Actes de la Commune de Paris, éd. Sigismond Lacroix, t. V (1907), p. 224 et 251. C’est dans ce cadre que furent donnés, entre autres mesures: le 5 juillet, un ordre de mise à disposition de deux cents aubes ecclésiastiques (Revue rétrospective, t. IV, 1834, p. 318-320 – l’usage de ces aubes reste incertain); le 6 juillet, une autorisation de mettre à la disposition des organisateurs «les différents effets de l’Opéra qui pourront être nécessaires pour cette cérémonie»; et le 6 encore, des ordres pratiques pour «assurer la tranquillité publique» (ibid., p. 273 et 279). Le 7 juillet, le maire de Paris enjoindra aux quarante-huit sections parisiennes de désigner chacune quatre commissaires pour prendre part au cortège, dont un «vêtu de rouge avec un brassard tricolore» pour remplir «les fonctions de maître de cérémonie» (ibid., p. 611).

1791 début juillet

Pétition à l’Assemblée nationale relative au transport de Voltaire, 8 p. in-8o, pièce essentielle du dossier: un acte majeur d’opposition cléricale et réactionnaire. Deux impressions sont connues, la seconde, «revue et augmentée», contenant plus de cent-soixante signatures. L’exemplaire de la réimpression de la BnF porte la mention manuscrite 4 juillet 1791. Nombreux échos et réactions dans la presse, la plupart hostiles. Le texte fut critiqué théologiquement par un anonyme du même bord dans un opuscule daté du 23 juillet, la Lettre à M. l’abbé B*** sur ce qu’il a signé une pétition relative au transport de Voltaire. Autres réponses: [anonyme,] Voltaire vengé, suivi d’observations sur la pétition des prêtres et des maîtres d’écolesRéponse d’un ami des grands hommes aux envieux de la gloire de Voltaire, par Gudin de La Brenellerie, 15 p. in-8o.

1791 juillet

Des «Papiers et registres Palloy» conservés à la BHVP sous la cote CP-5257, Registre 14 (8 juillet-29 juillet 1791) contiennent diverses pièces qui documentent la participation directe du célèbre «Citoyen Palloy» aux préparatifs de la translation. Voir en particulier f. 4064 (rencontre de Palloy et Gorsas chez Villette le 8 juillet); f. 4069-4073 (inauguration du «modèle de la Bastille» offert par Palloy, qui défila dans le cortège); f. 4088-4089 (lettre de Palloy à La Fayette); f. 4096-4097 («Mémoire des dépenses» pour l’aménagement du site de la Bastille); f. 419 (lettre de Palloy à Pastoret), etc. Palloy est mentionné dans plusieurs relations; son rôle semble même avoir pris une importance croissante dans les derniers jours des préparatifs: voir Le Courrier des LXXXVIII départements, 8 et 11 juillet 1791, p. 122-123 et 169-170. Une notice sur le «Citoyen Palloy», dit «le Patriote», paraît indiquée.

1791 juillet

Discours sur la seconde fête fédérative et sur l’inauguration de Voltaire, par Jean-Joseph Pithou de Loinville, 16 p.

1791 2 et 7 juillet

Deux lettres de Beaumarchais, la première à l’abbé Des Aulnays, garde des livres imprimés de la Bibliothèque du Roi, la seconde à d’Ormesson de Noiseau, bibliothécaire royal en charge, attestent la décision prise tardivement d’exposer dans le cortège de la translation un double factice du précieux l’exemplaire de l’édition de Kehl offert à la bibliothèque «nationale» – Beaumarchais souligne lui-même son emploi du terme. C’est l’exemplaire BnF, Rés. Z-4450-4519 – l’original de la lettre à Des Aulnays est joint au premier tome. Voir la Chronique de Paris, 6 juillet 1791 (p. [2]-[3]) et Gunnar et Mavis von Proschwitz, Beaumarchais et le Courier de l’Europe, Oxford, 1990 (SVEC 274), p. 1107. Voir aussi la Motion faite par Pierre-Augustin Caron Beaumarchais au comité des auteurs dramatiques pour aller au-devant du convoi de Voltaire, 9 mai 1791, in-4o.

1791 6 juillet

Deux arrêtés sont pris, l’un au directoire du département, fixant au dimanche 10 juillet le dépôt du corps de Voltaire sur les ruines de la Bastille et au lundi 11 la translation dans Paris, et «portant que le corps de Voltaire sera déposé dans le souterrain de l’édifice de Sainte-Geneviève»; le second du conseil municipal, désignant les six membres chargés d’accompagner le maire aux limites de Paris le 10 juillet pour recevoir le catafalque et le déposer à la Bastille, et fixant au lundi 11 à six heures la convocation du Conseil pour le départ du convoi. Voir Actes de la Commune de Paris, éd. Sigismond Lacroix, t. V (1907), p. 299-300 et 305.

1791 6 juillet

Lettre de Pastoret, procureur général syndic du directoire du Département de Paris, à Condorcet pour inviter les membres de l’Académie des sciences à la translation. Voir dans CV19, p. 214 une première présentation sommaire du manuscrit récemment découvert.

1791 6-17 juillet

Cinq fausses nouvelles des journaux monarchistes ont été réunies et traitées à part dans une notice publiée dans CV17 (2018), p. 206-213.

1791 9 juillet

Lettre protocolaire d’Emmanuel Pastoret, procureur général syndic du directoire du Département de Paris, à Marguerite-Louis-François Duport-Dutertre, ministre de la Justice et garde du sceau de l’Etat, l’invitant au «transport» de Voltaire au Panthéon – mais ni Duport-Dutertre, ni aucun autre ministre ne prendront part à la cérémonie. Notice publiée dans CV19 (2020), p. 201-217.

L’Assemblée nationale, avisée par le Directoire des dispositions prises, procède à la désignation des quinze membres qui la représenteront dans le cortège de la translation. Un autre avis du directoire, du 10 juillet, leur indiquera l’hôtel d’Ormesson comme point de réunion pour le départ de la marche (Archives parlementaires, consultables sur le site Persée, t. XXVIII, p. 72 et 112).

1791 10 juillet

«La Bourse ne sera pas ouverte demain Lundi, attendu la célébration de la translation des cendres de Voltaire, ni Jeudi prochain 14, jour de la Fédération» (Journal de Paris, Dimanche 10 Juillet, p. [4]) – donnée à commenter?

Voltaire à Romilly, trait historique en un acte, en prose, par M. Willemain d’Abancourt, représenté pour la première fois sur le Théâtre de Molière, le Dimanche 10 Juillet 1791, A Paris, 1791. Voltaire et la translation présentés au bon peuple.

1791 10 juillet

Première reprise des Muses rivales (1779) de La Harpe au Théâtre-Français de la rue de Richelieu, avec une addition célébrant la translation, qui sera imprimée le lendemain dans la Chronique de Paris. Voir la notice publiée dans CV19 (2020), p. 195-201.

1791 10-11 juillet

R>Hymne sur la translation du corps de Voltaire, paroles de Marie-Joseph Chénier, chanté sur une musique de François-Joseph Gossec lors du transfert de Voltaire au Panthéon. Notice publiée dans CV17 (2018), p. 214-221.

Romance à l’honneur de la translation de Voltaire, paroles de M. Prélong, musique [de Duchamp] avec accompagnement de guitare.

1791 10-11 juillet

Adresse «A Voltaire» des «Etudiants en l’art de guérir», insérée dans la Chronique de Paris le 15 juillet 1791 et dans le Journal de correspondance de Paris à Nantes le 20 juillet. Notice publiée dans CV18 (2019), p. 248-255.

1791 10-11 juillet: relations remarquables

Des récits ou échos de presse ont été commodément réunis dans Actes de la Commune de Paris, éd. Sigismond Lacroix, t. V (1907), p. 336-339. L’incident du contrordre donné puis annulé par le directoire du département le matin du 11 au départ du cortège est attesté par les Archives parlementaires (t. XXVIII, p. 112 et 121) et commenté dans plusieurs journaux: voir CV19 (2020), p. 209-211. Sauf indications contraires, les textes répertoriés ci-après ne sont pas signés.

L’Ami du roi, [13] juillet 1791, p. [3]-[4]: «Cérémonie». Relation sobre, hostile.

Annales de la religion et du sentiment, tome second, juillet-décembre 1791, «Nouvelles de l’Eglise de France», p. 21-27: «Enfin l’impiété a levé le masque...» Condamnation de la «profanation» dans une vision morale et politique de l’événement.

Annales politiques, civiles et littéraires du dix-huitième siècle, 1791, t. XVIII, no 169, p. 440-462: «Honneurs rendus à la mémoire et aux cendres de M. de Voltaire». Vision générale sous l’angle constitutionnel, compte rendu critique vraisemblablement dû à Linguet lui-même, directeur de ce journal. Un extrait en sera cité quatre ans plus tard dans les Mémoires pour servir à l’histoire de la persécution française... par l’abbé d’Hesmivy d’Auribeau, t. I, Partie I, Rome, 1795, p. 820-825.

Annales patriotiques et littéraires de la France, 14-15 juillet 1791. Récit favorable.

La Bouche de fer, no 90, 12 juillet 1791, p. 1-6: «Apothéose de Voltaire». Relation personnelle, lyrique et patriotique, avec des anecdotes curieuses, en particulier sur l’implication des métiers de presse, typographes et journalistes. L’attribution à Bonneville paraît plausible. En épigraphe du numéro, le couplet de fin du Mariage de Figaro: « Et Voltaire est immortel». Voir aussi les numéros 37 (1er avril) et 55 (11 mai), anticipant de loin l’événement.

Chronique de Paris, no 193, 12 juillet 1791, p. [6]-[7], «Supplément», sans titre. Premier récit en date, préparé dans la nuit du 11, souvent repris. Errata et compléments dans le numéro suivant, à la rubrique «Variétés», p. [2]. Ce journal avait été le principal organe de la campagne de Villette en faveur de la translation [1790 9-22 novembre]. Voir aussi dans le numéro du 5 juillet un article de Pierre Manuel, p. [1]-[2], sorte de pré-relation rédigée dans un esprit post-Varennes de dépassement de la monarchie. Une notice d’ensemble sur la Chronique de Paris est envisageable.

Feuille de correspondance ou Nouvelles patriotiques pour les habitants des campagnes, no 21, no 25 et no 26, tous les trois s.d. (juin-juillet 1791). Vision et rédaction populaires.

Feuille du jour, no 193, 12 juillet 1791, p. 91-92, «Fête de Voltaire», et no 194, 13 juillet  p. 98-99, «Mœurs du temps»: nombreux échos hostiles. Une lettre d’abonné insérée dans le no 197 du 16 juillet, p. 124-125, ironise sur l’étalage de la «philosophie» dans la cérémonie. Voir aussi plus loin [1791 18 juillet] pour des infox après coup.

Gazette nationale ou Le Moniteur universel, no 194, 13 juillet 1791, p. 106-107 de la réimpression,  sous le titre «Variétés», relation de «la translation au Panthéon françois», de veine civique et patriotique. La gravure «Triomphe de Voltaire, d’après Prieur» n’est pas dans le Moniteur original: c’est apparemment un bonus de la réimpression du XIXe siècle.

Gazette universelle ou Papier-Nouvelle de tous les pays et de tous les jours, 13 juillet 1791, p. 774-77[5}. Relation détaillée, avec des données rares. On peut mentionner aussi dans le no du 16 juillet, p. 786-787, la description d’un bas-relief de «l’autel de la [seconde] fête de la Fédération», figurant sur sa façade orientale «l’entrée triomphale de Voltaire [à Paris]»: «Dans le lointain, on distingue le Panthéon français.»

Journal de la cour et de la ville. Entre le 9 mai et le 29 juillet, ce périodique monarchiste présente une suite d’échos, de réactions, de commentaires en prose et en vers, discours totalement décousu et déjanté, vulgaire, carnavalesque, manifestant un déni radical de l’événement et de son importance: une notice est souhaitable sur ce texte singulier, autrement politique, apparemment méconnu. Quelques éléments ont été pris en compte dans CV17 (2018), p. 207-213.

Journal de la langue française, 23 juillet, p. 133-144 et 30 juillet 1791, p. 169-177. Récit très étudié, à la fois lyrique et pittoresque, couvrant la veillée de la Bastille et la journée du 11 juillet. Le texte est signé par Mahéraut, poète, et adressé au rédacteur du journal, Urbain Domergue. L’exemplaire de la BnF, consultable sur Gallica, porte des corrections et des remaniements manuscrits, traces possibles d’un projet de réimpression – dont on ne connaît pas les suites.

Journal de Paris, 13 juillet, p. 2-4, et 14 juillet, p. 4, «Lettre à M*** sur l’apothéose de Voltaire», texte souvent cité ou repris dans d’autres journaux (par ex. dans L’Esprit des journaux françois et étrangers, septembre 1791, t. IX, p. 267-275). C’est un vrai récit personnel, structuré et détaillé.

Journal ecclésiastique ou Bibliothèque raisonnée des sciences ecclésiastiques, septembre 1791, p. 6-25: relation en diptyque opposant la béatification de la sainte Marie de l’Incarnation (sœur Acarie), célébrée à Rome le 5 juin, à la «prétendue apothéose» de Voltaire – «spectacle d’abomination».

Journal encyclopédique, 10 août, p. 257-265: “Description de la translation faite le 11 juillet du corps de Voltaire au Panthéon français, par M. Ginguené». Les termes «triomphe», «pompe» et «fête» dominent. La «lettre» est datée de Paris, 30 juillet 1791. Le même texte avait été publié le 30 juillet dans le Mercure de France.

Journal général de France, no 194, 13 juillet 1791, p. [2] et no 195, 14 juillet, p. [2[-[3]. Voir aussi le no 321, 17 novembre 1791, p. [4].

La Feuille villageoise, no 43, 21 juillet 1791, «Honneurs rendus à Voltaire», p. 293-299. Relation populaire, civique et anticléricale: «Les despotes religieux sont tombés avec les tyrans politiques...» Pomeau la cite dans La Religion de Voltaire, 1969, p. 459, n. 159. Voir aussi, rapportée après sa mort dans le no du 9 février 1792, p. 460, la réaction de Cerutti, fondateur du journal, à la vue du défilé.

Le Courrier des LXXXIII départements, 13 juillet 1791: «Triomphe de Voltaire», p. 177-208, avec à la suite diverses pièces, dont l’Hymne de Chénier et la partition de Gossec. Ce témoignage très riche, le plus long qu’on connaisse, peut être attribué à Gorsas lui-même, rédacteur du journal. Voir aussi les numéros des 8 et 15 juillet pour d’autres nouvelles de Romilly.

Le Patriote françois, 13 juillet 1791, p. [2}: «Pompe triomphale de Voltaire» (par Brissot?). Morceau d’une sobriété rare et bien sentie. Voir aussi la mention du no du 16 juillet.

Lettres du père Duchêne. De sa première annonce à ses effets, la couverture de l’événement est très fournie dans ces «lettres bougrement patriotiques du véritable père Duchêne»: voir les numéros 69, 80, 92, 100, 102, 110 à 114 et 117. Une notice d’ensemble paraît indiquée.

L’Orateur du peuple, no 2, 12 juillet 1791. Impressions assez mêlées sur la «pompe d’hier», entre admiration convenue et réserves morales. Cet article pourrait être de Louis-Stanislas Fréron.

Mercure de France, 16 juillet 1791, écho fugace dans la partie «Mercure historique et politique» rédigée par Mallet du Pan. Puis le 30 juillet, à la rubrique  «Variétés», p. 182-191, longue description de la «fête de Voltaire» adressée «Aux rédacteurs du Mercure». Cet article est signé de Ginguené: c’est le même texte que dans le Journal encyclopédique.

Mercure universel, numéros des 11, 12 et 13 juillet 1791. Le numéro du 13 juillet présente un intérêt spécifique: il décrit «les changements qui ont été faits dans le cortège triomphal de Voltaire» par rapport au «numéro 113» du 20 juin, i.e. au programme publié par Charron [1791 20 juin].

Révolutions de France et du Brabant, no 85, p. 288-291: «Apothéose de Voltaire», texte très enlevé, probablement de Camille Desmoulins. L’annonce finale d’une suite resta en suspens, Desmoulins ayant démissionné précisément sur ce numéro.

Révolutions de Paris, no 105, Du 9 au 16 juillet 1791, p. 3-11: «Rentrée des cendres de Voltaire à Paris». Récit très détaillé, avec plusieurs notations exclusives. On peut l’attribuer à Prudhomme lui-même, rédacteur du journal. Gravure anonyme insérée p. 9, représentant le passage du cortège sur le Pont-Royal, en vue du quai Voltaire et de l’hôtel Villette.

A ces relations de journaux, on peut ajouter deux correspondances privées, d’une part les lettres familiales d’un jeune provincial, Edmond Géraud, fils d’un armateur bordelais, que ses études avaient amené avec son précepteur à Paris (Journal d’un étudiant pendant la Révolution, 1789-1793, éd. par Gaston Maugras, 1910, p. 155-157 – voir aussi p. 78-82 pour la participation des élèves du Lycée à la translation, à la demande de Mme de Villette, détail non recoupé mais plausible); et d’autre part le récit fait par le libraire Nicolas Ruault, principal assistant de Beaumarchais dans la gestion de l’édition de Kehl, à son frère Brice, curé à Evreux (Gazette d’un Parisien sous la Révolution, éd. par Anne Vassal et Christiane Rimbaud, Paris, 1976, p. 251-252).

1791 11 juillet

La décoration de la façade de la maison des Villette, station marquée du cortège, et la toilette de cérémonie portée par «Belle et Bonne», sont documentées par des factures publiées par Jean Stern, Belle et Bonne, une fervente amie de Voltaire (1757-1822), Paris, 1938, p. 221-224. Une des pièces de cette toilette, une ceinture, décorée du char en impression, est conservée au Musée Carnavalet: «Ceinture portée par la marquise de Villette le jour du transfert des cendres de Voltaire».

1791 11 juillet

Trois opuscules de réactions immédiates:

Amende honorable à Dieu et à Sainte-Geneviève, anonyme, s.d., 12 p. Démarche religieuse de plein exercice, affirmation d’un ordre sacré du droit divin: c’est une prière d’expiation après la translation des dépouilles de Mirabeau et de Voltaire dans le saint lieu qu’elles souillent. [Imprimé daté par erreur 1790 dans la notice de la BnF.]

L’Apothéose de Voltaire ou le Triomphe de la religion et des mœurs, 8 p., anonyme. Pamphlet monarchiste assez brillant, relation donnée explicitement comme imaginaire, l’auteur n’a pas pu assister à la cérémonie – il avait la goutte.

Eloge véridique de M. de Voltaire, l’un des Grands-Hommes nationaux qui reposent au Temple de mémoire, 55 p. Lourde diatribe sarcastique et morale.

1791 12 juillet

Le conseil général de la commune enjoint à ses membres missionnés le 6 juillet de produire un procès-verbal de la translation – ce rapport officiel, destiné aux archives, paraît perdu. Au procès-verbal de cette séance est consignée la fausse excuse qui dédouane les ministres absents, à la demande expresse de Pastoret, procureur du directoire – anomalie commentée dans CV19 (2020), p. 214. Voir Actes de la Commune de Paris, éd. Sigismond Lacroix, t. V (1907), p. 328-330.

1791 14 juillet

Fête de la Fédération. L’un des bas-reliefs latéraux de l’autel de la patrie, côté Nord, représentait «le triomphe de Voltaire» fêté trois jours plus tôt. La Gazette universelle ou Papier-Nouvelle du 16 juillet décrit ce bas-relief. La Chronique de Paris du 15 juillet, p. [3], y rattache une anecdote populaire : «De bons paysans étaient occupés à examiner ce dernier tableau qui représente les honneurs rendus au philosophe de Ferney: Eh bien! dit l’un d’eux, le voilà, celui qui nous a désembêtés...»

1791 15 juillet

Dépêche de l’ambassadeur russe en France, Ivan Simoline, à sa cour, relatant la translation. Notice publiée dans CV18 (2019), p. 255-261.

1791 18 juillet

La Feuille du jour, no 198, publie sous le titre «Anecdote sur le corps de Voltaire», p. 141-143, un montage de rumeurs sur la disparition supposée de la dépouille de Voltaire en 1778, prétendument recueillies à Scellières. Suivit un démenti signé «Favreau, maire de Romilly» inséré dans Le Courrier des LXXXIII départements du 28 juillet, p. 6, et dans Chronique de Paris, 31 juillet 1791, p. [1]. Ces documents ont été exploités par Antoine de Baecque, La Gloire et l’effroi. Sept morts sous la Terreur, 1997. Une notice est en préparation pour un prochain numéro des CV.

1791 28 juillet

The Times (London), «Apotheosis of Voltaire». Notice publiée dans CV17 (2018), p.221-239.

1791 24 septembre

Relation intitulée «Voltaire!» dans le Columbian Centinel de Boston (USA), avec à la suite le Credo de Voltaire. Notice publiée dans CV18 (2019), p. 261-273.

1791 octobre / novembre

[Pierre-Jean-Baptiste Nougaret], Anecdotes du règne de Louis XVI [...], 6 vol. La translation est décrite au t. VI, p. 43-52, dans une démarche d’histoire immédiate qui s’apparente aux Tableaux historiques de la Révolution – série lancée la même année.

1792 20 juin

>Mandement de M. l'Archevêque de Paris, concernant le nouveau bref monitorial de notre Saint Père le pape Pie VI, du 19 mars dernier, Paris, 1792, 15 p., daté de Chambéry – où Leclerc de Juigné (Antoine-Éléonore-Léon) avait émigré. C’est une pièce capitale dans l’histoire de l’Eglise de France: ce mandement donnait l’exemple de la soumission à Rome après le bref-monitoire  de Pie VI du 19 mars qui excommuniait les «auteurs et fauteurs» de la Constitution civile du clergé déclarée schismatique un an plus tôt par un premier bref (Quod aliquantum, 10 mars 1791). C’est aussi un acte majeur dans l’histoire de la Révolution, condamnée irrévocablement par autorité de droit divin. Un événement de la Révolution en cours est inscrit dans ce mandement, pour l’exemple (p. 8): «Un magnifique Monument élevé par la piété de nos Rois, et par le vœu de tous les Citoyens [sic], en l’honneur de la Patrone de Paris, est converti en un temple payen; le nom du Dieu vivant qu’on lisoit sur son frontispice, en a disparu; et les cendres des plus cruels ennemis de la Religion sont en possession de la place, où la Religion elle-même devoit déposer la dépouille mortelle d’une Vierge sainte, qui est l’objet de la vénération publique depuis l’établissement de la Monarchie, et dont la Capitale a tant de fois éprouvé la puissante protection. Ne semble-t-il pas, Grand Dieu, que nous soyons reportés au tems de ces Barbares, idolâtres ou hérétiques, qui démembrèrent l’Empire Romain, après l’avoir couvert de ruines; au tems des Goths et des Vandales qui laissoient par-tout sur leur passage des traces de leur férocité ou de leur fanatisme?»

1792

Histoire de la Révolution de 1789 et de l’établissement d’une Constitution en France [...]  par deux amis de la Liberté, 1790-1803, 20 vol., t. VII (1792), chap. I, p. 25-42. Récit en partie démarqué des journaux, mais opérant l’un des premiers transferts de l’événement à l’Histoire. La geste du Panthéon est placée en tête du volume, avant le récit de la fuite à Varennes.

Lettres choisies de Charles Villette sur les principaux événements de la Révolution: nombreuses références au Panthéon. La lettre du 12 juillet 1791 est sous-titrée «L’apothéose de Voltaire» (p. 174-199). Les lettres insérées dans la Chronique de Paris depuis novembre 1790, illustrant le rôle de Villette dans la translation, ne sont pas toutes reprises dans ce recueil. Sur ce lobbying voltairien de Villette, voir CV17, p. 198-202 et supra [1790 9-22 novembre].

1793

Aux Français émigrés ou déportés, par l’auteur de l’adresse «A mes frères les prêtres exilés de France...», Bruges, 15 mai 1793, in-8o. Homélie cléricale, symbolisant la Révolution par la déification de Voltaire – «apothéose que la postérité ne pourra jamais croire» (p. 5-7).

1794/1795

Grande dispute au Panthéon entre Marat et Jean-Jacques Rousseau, 15 p. in-8o, texte signé Dubrail.

C’est un dialogue fictif sur la Terreur et sur le sens de la Révolution. Accusé par Marat d’être un «modéré», Rousseau est prêt à quitter le Panthéon, mais Voltaire l’y retient – dans un rôle d’arbitre, mais effacé, assez abstrait.

[Anonyme,] Mes J’ai vu ou Les Prédictions accomplies dans ces derniers tems, sous les Portiques du Palais, chez G***, L’An II du Nouveau Monde, 58 p. Evocation apocalyptique du «monstre» de la Révolution, né d’un «Philosophisme» destructeur de la vraie Religion. Mentions de Voltaire (p. 12, 20, 48, 53); évocation des panthéonisations de Mirabeau (p. 50) et de Voltaire et Rousseau (p. 48).

Notices de la nouvelle nomenclature des rues de La Rochelle, par plusieurs citoyens de cette commune, La Rochelle, an III. La notice «Rue Voltaire» (p. 198-203) évoque l’œuvre du grand homme, pro et contra, et «l’hommage que la France régénérée a rendu à sa mémoire». Mentions curieuses de Ferney (p. 200) et de l’Epître à Uranie (p. 201). Autres notices de rues par leurs noms: 14 juillet, Franklin, Liberté, Mably, Panthéon, République, Rousseau, etc.

1795

Nouveau dictionnaire français contenant les expressions de la nouvelle création du peuple français, par Leonard Snetlage, Gottingue, 1795. Une notice est en préparation sur l’article «Panthéon français / Französischen Pantheon», p. 166-168.

20 Pluviôse an III – 8 février 1795

Décret [de la Convention nationale] portant que les honneurs du Panthéon ne pourront être décernés à un citoyen que dix ans après sa mort. Ce décret stipulait aussi: «Tout décret [antérieur] dont les dispositions seraient contraires est rapporté», ce qui entraîna l’exclusion de Marat et de Pelletier de Saint-Fargeau – mais ni Voltaire ni Rousseau n’étaient concernés par cette clause rétroactive.

18 Floréal an IV – 7 mai 1796

Le Conseil des Cinq-Cents examine un projet présenté par Marie-Joseph Chénier au nom du Comité d’instruction publique, pour faire entrer Descartes au Panthéon. Prévue par la Constituante (voir [1791 3-4 avril]), reportée depuis un premier décret de la Convention (2 octobre 1793), la panthéonisation de Descartes était fixée au 10 Prairial (20 mai). Débat tendu, houleux, marqué par un choc frontal entre Chénier et Louis-Sébastien Mercier. Au-delà des mérites de Descartes, c’est sur le Panthéon et ses grands hommes, sur le rôle de la philosophie dans la Révolution et singulièrement sur l’influence de Voltaire que les orateurs s’affrontent. Mercier dénonce Voltaire: «N’a-t-on pas ouvert les portes du Panthéon à ce grand corrupteur de la morale et des mœurs, à ce vil flatteur qui encensa les grands et les rois [...]» Mais par sa haine exemplaire de la tyrannie et de la superstition, soutient Chénier, «Voltaire appartient au Panthéon français, comme à la reconnaissance de son siècle et de la postérité». A un intervenant qui fait de Voltaire «un des fondateurs de notre République», un autre réplique: «Je demande la priorité pour Rousseau». L’assemblée finit par ajourner la motion et voter l’impression de l’un et l’autre discours – en laissant Descartes hors du Panthéon. Une notice générale paraît indiquée (ou plusieurs, par types de documents?) pour articuler les références et les enjeux de ce débat important, déjà postrévolutionnaire. Il en subsiste: 1/ le «Rapport» de Chénier et les deux discours principaux (BNF, LE43-250 et 251);  2/ plusieurs comptes rendus différents de la séance (Journal de Paris, 8 mai 1796; Annales patriotiques et littéraires, 8 mai; Gazette nationale ou Le Moniteur universel, 14 mai...); 3/ des commentaires dans la presse, dont quatre lettres dans le seul Journal de Paris (25 Floréal et 6, 11 et 18 Prairial), prenant le parti de Voltaire, auxquelles Mercier répondit (2 et 12 Prairial); 4/ les positions anciennes de Mercier sur Voltaire et sur la Révolution, rappelées et confrontées dans cette polémique; 5/ les éclairages ultérieurs de Mercier et Chénier sur le contexte et l’arrière-plan de leurs discours (Le Nouveau Paris par le citoyen Mercier, 6 vol., 1797, chap. CCXLVII, «Panthéonisé», t. VI, p. 124-155; Œuvres de M.-J. Chénier, 5 vol., 1826, t. V, p. 353-366). Voir aussi [1801 (an IX)].

An V (1796-1797)

Vie de Voltaire, suivie d’anecdotes qui composent sa vie privée, par T. J. D. V. [Théophile-Imarigeon Duvernet]. Réimpression augmentée de l’édition de 1786, les deux derniers chapitres nouveaux constituant le premier traitement de la panthéonisation en régime biographique: «Entrée triomphale des centres de Voltaire à Paris; on les dépose sur les ruines de la Bastille» (chap. XLIII, p. 376-381); «Fête expiatoire et nationale en l’honneur de Voltaire. On porte ses cendres au Panthéon» (chap. XLIV, p. 381-386).

An VI -1798

Collection complète des Tableaux historiques de la Révolution française, Pierre Didot l’aîné, 3 vol. in-folio. Le «Cinquante-cinquième tableau» s’intitule «Apothéose de Voltaire, le 12 [sic] juillet 1791». Texte non signé, s. d., 4 p., avec une estampe annexée, «Triomphe de Voltaire, le 11 juillet 1791», dessin de Prieur, gravé par Berthault. Pièce majeure pour la constitution mémorielle de l’événement et son rattachement à l’histoire et à la légende de la Révolution. La date de livraison séparée du cahier original n’est pas connue. Les Tableaux historiques font l’objet d’une recherche spécifique active, en particulier pour ses contrefaçons allemande et hollandaise qui contribuèrent à la propagation européenne d’une «geste» de la Révolution française.

An VII (1798-1799)

Voltaire, ou le pouvoir de la philosophie, poème, par Théodore Desorgues. Diptyque d’une visite de la tombe de Voltaire à Scellières et de la translation au Panthéon – la veillée de la Bastille est omise. Méditation personnelle sur le fanatisme et la philosophie, l’Ancien régime et la Révolution. Notice publiée dans CV18 (2019), p. 273-282.

An VII (1798-1799)

Mémoires pour servir à l’histoire de l’Assemblée constituante et de la Révolution de mil sept cent quatre-vingt-neuf, par le Citoyen C. E. F***, membre de l’Assemblée constituante [Charles-Elie marquis de Ferrières], An VII, 3 vol., t. III, p.155-159. Vision négative. Plusieurs réimpressions, dont une avec notes correctives en 1822, dans la collection «Mémoires relatifs à la Révolution française», II, p. 467-470.

1799-

Dictionnaire néologique des hommes et des choses ou Notice alphabétique des hommes de la Révolution [...] par le Cousin-Jacques [Louis -Abel Beffroy de Reigny], Paris, 3 vol. in-8o, 1799-1802. Au tome I, «Apothéose de Voltaire» (la légende du faux cadavre), p. 187 et «Arrouët», p. 259-260; au tome II, «Calendrier», p. 417-440, article remarquable: les deux premières panthéonisations (de Mirabeau et Voltaire) y sont indiquées parmi «les événements les plus importants depuis 18 ans»,  p. 426.

1800 9 décembre (14 Frimaire)

Dans une lettre à Chaptal, ministre de l’Intérieur, Alexandre-Marie-François de Dompierre d’Hornoy (1742-1828), petit-neveu de Voltaire, s’opposa en droit, comme représentant des intérêts familiaux, à une mesure à l’étude : le déplacement des restes de Voltaire du Panthéon au domaine de Villette dans l’Oise, sur les terres de la marquise de Villette. Cette lettre, passée en vente en 1957, a été publiée par Christophe Paillard en 2011, «Le cœur et l’esprit de Voltaire. Mignot et d’Hornoy, gardiens du temple voltairien, d’après le Catalogue Lambert», Gazette des Délices, no  29 (Printemps 2011), p. 9. L’idée ou l’initiative du déplacement, soutenue apparemment par Cambry, le préfet de l’Oise, concernait également les restes de Rousseau, qu’il était question de rendre à Girardin pour les ramener à Ermenonville – c’est un moment suspendu, singulier, méconnu, de l’histoire des «grands hommes» et du Panthéon. La notice pourrait traiter de trois autres documents liés : 1/ un article à retrouver dans la Gazette de France, auquel réfère la lettre de d’Hornoy; 2/ un commentaire approbateur et sarcastique publié quatre ans plus tard dans une revue cléricale: «Sur l’expulsion de Voltaire et de J.J. Rousseau hors du Panthéon», Annales littéraires et morales, à Paris, An XII-1804, t. I, p. 553-560; 3/ un article inconnu du Publiciste, cité par cette revue (p. 556), où se trouverait l’expression «le Panthéon déshonoré».

1801 (an IX)

«Le verbe Panthéoniser a produit celui de dépanthéoniser, ainsi que les substantifs panthéonisation et dépanthéonisation» (Louis Sébastien Mercier, Néologie ou Dictionnaire des mots nouveaux, ou renouvelés, ou pris dans des acceptions nouvelles, 2 vol.), t. II, p. 168.

1804 3 janvier [12 nivôse an XII]

Sous le titre «Fête de sainte Geneviève et monument élevé en son honneur dans l’église de Saint-Etienne-du-Mont, de Paris», les Annales littéraires et morales, t. I, An XII-1804 (p. 452-472) donnent d’une célébration d’inauguration du nouveau «monument» une relation anonyme marquée par le regret de ne pouvoir réinvestir l’ancien édifice de Sainte-Geneviève, resté Panthéon à cette date – il ne sera rendu au culte et consacré qu’en 1822 (infra). On peut attribuer ce morceau à l’abbé de Boulogne, l’un des trois rédacteurs du journal: la dédicace ou devise du Panthéon y est réécrite (p. 455) dans une formule qu’on retrouvera dans l’homélie de consécration de Sainte-Geneviève prononcée le 3 janvier 1822 par Mgr de Boulogne, évêque de Troyes – «Aux grands hommes la patrie délirante» (voir CV17, 2018, p. 243). La Révolution et ses prétendus grands hommes, le Panthéon, Voltaire et Rousseau sont honnis et condamnés.

1804-1805

Un article intitulé «Sur la Sculpture destinée à orner les temples consacrés au culte catholique, et particulièrement les tombeaux», signé «Deseine, membre de l’ancienne académie de peinture et de sculpture de Paris», parut dans les Annales littéraires et morales, t. II, An XIII-1804, p. 347-363. L’auteur présente des vues nouvelles pour l’emploi des statues religieuses réapparues depuis la Révolution et propose de réserver «le Panthéon» à cet usage, comme un espace idéal pour les exposer en nombre (p. 362-363). Il discute en passant le terme «Panthéon» et lui préfère celui de «Cénotaphe» – mais une «Note du rédacteur» intervient ici pour écarter l’un et l’autre termes et marquer l’espoir «que ce superbe temple redeviendra naturellement ce qu’il doit être, c’est-à-dire l’église de sainte Geneviève, patronne de Paris» (p. 362). Louis-Pierre Deseine (1749-1822), auteur de ce texte, avait un frère du parti opposé, sculpteur lui aussi, Claude-André Deseine (1740-1823), qui avait exposé au Salon de 1793 un «Voltaire écrasant l’infâme» (voir CV13, 2014, p. 25-26).

1806 19 février

Rapport de Portalis, ministre des cultes, à Napoléon, recommandant le retour de Sainte-Geneviève à l’Eglise catholique.

1806 20 février

Décret impérial donnant un nouveau statut à Sainte-Geneviève: l’église est rendue au culte catholique, mais conserve sa vocation mémorielle. La commande officielle faite à Houdon d’une nouvelle statue de Voltaire serait intervenue la même année. Exposée au Salon en 1812, cette statue sera placée près du sarcophage (voir CV5, p. 247).

1807

Lettres sur Paris ou Correspondance de M*** dans les années 1806 et 1807 [par K. C. von Berkheim], Heidelberg, 1809. Les lettres des 6 octobre et 23 novembre 1807 évoquent une visite du Panthéon et marquent un intérêt particulier pour la tombe de Voltaire.

1814

Oraisons funèbres de Louis XVI [...] prononcées en 1793, 1794 et 1795 dans plusieurs églises du royaume d’Espagne [...] par M. l’abbé Vitrac, suivies de Robespierre aux Enfers, poème héroï-comique du même auteur, Limoges 1814. Une longue note (p. 36-37), reprise avec variantes dans le poème contre Robespierre (p. 256-257), évoque l’église de sainte Geneviève souillée par «l’apothéose des apôtres de l’incrédulité» et «changée en une espèce de mosquée». Autre note sur Voltaire p. 238.

1816 12 avril

Ordonnance royale supprimant dans l’église Sainte-Geneviève «tous les ornements et emblèmes étrangers au culte catholique».

1816 18 avril

Pétition à la Chambre des députés d’un sieur Gauthier de Claubry pour faire sortir de l’enceinte sacrée de Sainte-Geneviève les dépouilles de Voltaire et Rousseau, «malheureux auteurs de la destruction de la Religion et de nos institutions sociales» (Archives nationales, cote C / 2032).

1817 3 janvier

L’Ami de la religion et du roi, no 253 du samedi 11 janvier 1817 déplore que l’office de sainte Geneviève n’ait pas encore pu être célébré dans la basilique, toujours souillée par la présence «d’un des monstres les plus vils et les plus odieux qu’ait enfantés notre révolution» (cité dans CV17, 2018, p. 242).

1817 9 février

Mandement de Messieurs les vicaires généraux du chapitre métropolitain de Paris, le siège vacant, pour le saint temps de carême, dénonçant et condamnant les nouvelles éditions de Voltaire et de Rousseau, avec mention expresse (p. 31-32) des «honneurs de l’apothéose» qu’ils avaient reçus «après le 21 janvier [1793]» – vrai pour Rousseau, faux pour Voltaire.

1817

Morgan, Lady Sydney (1783-1859), La France par Lady Morgan, traduit de l’anglais par A. J. B. D.

[Defauconpret], Paris ; Londres, Treuttel et Würtz, 2e édition, 1817, livre V, t. II, p. 40.

1818 3 mai

Dans le Journal des débats, à propos de Voltaire ennemi du Christ, ce dilemme : « Il n’y a plus de milieu : il faut qu’un homme célèbre soit au Panthéon ou à la voirie ». Voir CV17 (2018), p. 244.

1818 14 juillet

Dépôt légal de la gravure «Caveau du Panthéon où sont renfermés les tombeaux de Voltaire, J.J. Rousseau et Soufflot», lithographie de Charles Motte, d’esprit libéral. Notice publiée dans CV17 (2018), p. 239-248.

1818

Dictionnaire critique et raisonné des étiquettes..., par Mme de Genlis, t. II, article «Scandale», p. 228-232: «Le premier scandale public, et l’un des plus ridicules dont nous ayons été témoins depuis la révolution, fut la pompe funèbre de Voltaire...» Voir aussi l’article «Voltaire», t. II, p. 364-379.

1818-1819

Anonyme [attribué à Jonathan Gray], >Letters written from the Continent, during a six weeks tour in 1818, and afterwards published in the York Chronicle, York, W. Blanchard, 1819. La lettre VII, datée «Paris, 13 août 1818», relate une visite du Panthéon (p. 30-36).

Travels in France in 1818, by Lieut. Francis Hall [...] author of Travels in Canada and the United States, Londres, Longman, Hurst, Rees, Orme and Brown, 1819. Longue relation d’une visite du Panthéon, portant une attention spéciale aux deux caveaux de Voltaire et Rousseau, p. 79-87.

1821 12 décembre

Ordonnance de Louis XVIII rendant Sainte-Geneviève au culte catholique. D’après une lettre insérée en 1864 dans le no 5 de l’Intermédiaire des chercheurs et curieux (1er mai 1864, p. 65-66), il s’agissait d’une ordonnance «clandestine»: «Elle ne fut pas mise au Bulletin des lois» – elle fut imprimé dans La France chrétienne, 23 décembre 1821, p. [9). L’ordonnance du 26 aout 1830 y référera pour la rapporter.

1821 25 décembre

L’ordre aurait été donné par le comte de Corbière, ministre de l’Intérieur du gouvernement Villèle (formé le 14 décembre), de déplacer «les deux sarcophages» de Voltaire et Rousseau de la «chapelle souterraine» où ils se trouvaient déposés «depuis quelques années», pour «sur-le-champ les rétablir dans les deux caveaux d’une salle voûtée qui se trouve à l’extrémité de la principale galerie souterraine», et de «dresser procès-verbal de cette opération»: ce sont les termes d’un «procès-verbal» du 29 décembre 1821 dont une «copie conforme» fut communiquée à Beuchot dix ans plus tard [1831 12 décembre].

1821 26 décembre

Lettre du roi Louis XVIII à l’archevêque de Paris, Mgr de Quelen, confirmant la restitution de Sainte-Geneviève au culte catholique et ordonnant un service de manifestation monarchique ostensible: «Voulant, à l'exemple de mes prédécesseurs, donner un témoignage public de ma dévotion envers la patronne de ma bonne ville de Paris, et attirer par l'intercession de cette puissante protectrice de ma capitale, les faveurs de Dieu sur ma famille et sur moi, je vous fais cette lettre pour vous dire que, le 3 du mois de janvier prochain, vous fassiez faire à cette intention des prières et des supplications solennelles en cette église, et que vous ayez à y inviter la Cour royale, le corps municipal et les autres corps constitués.»

1821 29 décembre

«Déplacement des deux sarcophages de Voltaire et Rousseau», ordonné le 25, de la nef souterraine de Sainte-Geneviève vers des caveaux situés sous le péristyle, hors de l’enceinte de l’église. On ne connaît les conditions de ce déplacement que par un «procès-verbal» fourni à Beuchot dix ans plus tard pour justifier le refus ministériel d’une requête d’accès [1831 12 décembre]: Beuchot transcrivit cette «copie conforme» dans les «Pièces justificatives» de son édition (OCV, t. I, p. 464-467). Voir la notice publiée dans CV18, p. 282-286. D’après un témoignage ultérieur, on aurait constaté à l’occasion de ce «déplacement» que le cercueil de Voltaire était trop détérioré pour être transporté et qu’il fallait le changer, ce qui aurait été exécuté avant le déplacement officiel, sans procès-verbal [25 février 1862]. Le procès-verbal imprimé par Beuchot ne fait pas référence à l’emmurement complet des caveaux du porche, constaté et supprimé en août 1830 [1830 20/25 août].

1821 30 décembre

Mandement de l’archevêque de Paris annonçant la consécration de Sainte-Geneviève.

1822 3 janvier

Cérémonie de consécration de l’église Sainte-Geneviève, avec rituel de purification pour le retour de nouvelles reliques de la sainte, les anciennes ayant été profanées et dispersées en 1793. Mention dans CV17 (2018), p. 242. Le compte rendu de la Gazette de France du 4 janvier se termine comme suit, p. 3: «Cette cérémonie est véritablement mémorable dans les annales de notre histoire. En rapprochant des faits qui n’ont pas plus de vingt-cinq ans de date, on se dit, comme le plus éloquent de nos orateurs [Bossuet]: «Quel état, et quel état!» Sous ces mêmes voûtes, témoins jadis de tant de blasphèmes, ont retenti aujourd’hui les saints cantiques des vierges, et les prières des pontifes. Ce qu’il y a de plus auguste sur la terre s’est montré là où avait été encensé ce qu’il y avait de plus méprisable. La fille de Louis XVI [Marie-Thérèse de France, «Madame Royale», 1778-1851] est descendue dans ces souterrains qu’on eût pris jadis pour les portiques de l’enfer. Ils sont purifiés, et la religion, satisfaite de ce triomphe qui n’a causé que des larmes de joie, rappellera longtemps ces grands souvenirs au milieu du silence des tombeaux, qu’elle ne dédaigne pas de protéger pour nous donner d’utiles leçons.» [Soulignement de lecture pour ces dernières formules, dont le sens suggéré échappe en partie.]

1822 3-6 janvier

Première passe d’armes entre journaux— et matrice de la légende noire? Le 3, dans La France chrétienne, à la rubrique «Nouvelles ecclésiastiques», cette brève annonce isolée, p. 9: « Nous pouvons assurer que les restes mortels de Voltaire et de Rousseau ont été enlevés de la nouvelle basilique de Sainte-Geneviève». Même annonce le même jour dans le Journal des débats, avec une précision au-dessous, sans autre détail: «N.B. Ils ont été transférés dans le cimetière du P. la Chaise». Le 4, Le Constitutionnel commente («Intérieur. Paris, 3 janvier»): « Le Journal des débats annonce aujourd’hui, comme une nouvelle certaine, que les cendres de Voltaire et de J.-J. Rousseau ont été transférées au cimetière du P. Lachaise. Si cette translation a eu lieu, elle s’est faite si clandestinement que peu de personnes en ont eu connaissance. Le respect des tombeaux est un sentiment qui se retrouve chez tous les peuples; on ne devrait jamais l’oublier dans une société civilisée.» Le 4 encore, entre deux échos des rites de dédicace de la nouvelle église, la Gazette de France confirme le déplacement («France», p. 2): «Il est certain que les restes mortels de Voltaire et de Rousseau ont été enlevés de la nouvelle basilique de Sainte-Geneviève»; mais elle précisera le 5, démentant la rumeur naissante: «Il est faux que les restes mortels de Voltaire et de Rousseau aient été transportés au cimetière du P. La chaise. Ils ont seulement été déplacés de quelques toises. Nous nous empressons de donner cette assurance à MM. du Constitutionnel et du Courrier» (p. 2). Le 6, relevant la contradiction entre les informations de la Gazette et du Journal des débats, Le Constitutionnel posera la question: «Laquelle de ces deux versions est la vraie? Le sentiment des convenances et la charité chrétienne nous feraient incliner vers la Gazette, si sa réputation de véracité était un peu mieux établie» (p. 2). Relance et provocation restées apparemment sans écho.

1822, 3 janvier-3 février

Appel à souscription lancé par le colonel Touquet, éditeur de Voltaire: «Pour l’érection d’un monument à la mémoire de Voltaire et de J.-J. Rousseau», Paris, J.-B. Garnery, 4 p. L’appel  est daté «A Paris, 3 janvier 1822»; mais un post-scriptum daté «3 février» enregistre «la destruction du Panthéon» et propose une nouvelle dédicace: «La Philosophie / Aux grands hommes». Voir CV17 (2018), p. 247.

1822  4  janvier

«M. Stanislas de Girardin, membre de la Chambre des Députés, et propriétaire d’Ermenonville, a écrit au ministre de l’intérieur [Corbière] pour réclamer les cendres de J.-J. Rousseau, son maître, et les replacer dans l’île des Peupliers» (Le Constitutionnel, 4 janvier 1822, p. 3; Le Drapeau blanc, 5 janvier 1822, p. [2]). Lettre du 1er janvier, réitérée le 17 février et restée sans réponse d’après les Archives parlementaires (21 mars 1822, p. 564, et 23 mars 1822, p. 629). On n’a pas trace d’une démarche analogue de la part de d’Hornoy pour la famille de Voltaire (voir [1800]).

1822 22 janvier

Pétition d’un sieur Orglade à la chambre des députés pour exclure du Panthéon les dépouilles de Voltaire et de Rousseau (AN C / 2067) – pourra-t-on situer ou identifier cet Orglade?...

1822 23 mars

Interpellation de Stanislas Girardin à la Chambre des députés sur le sort actuel des restes de Voltaire et Rousseau. Réponse laconique du ministre Corbière: «La réponse est très simple: ils ont été déposés dans les caveaux de Sainte-Geneviève, et ils y sont encore», avec deux réactions immédiates notées dans les Archives parlementaires: «Sensation. – M. de Lameth [député libéral]: C’est bon à savoir... » – et une ultime relance de Girardin: «Ils ont donc disparu du temple...» (23 mars 1822, p. 629-632).

1823 3 janvier

Dans l’homélie de Mgr Boulogne, évêque de Troyes, à Sainte-Geneviève pour le second office de la sainte: «[...] Ils disparaîtront, les restes impurs de ces écrivains trop coupables qui, tout cachés qu’ils pourraient être dans les plus obscurs souterrains, n’en souilleraient pas moins l’autel de la Vierge pudique et la maison du Saint des Saints». La transcription du Journal des débats (numéro du 8 janvier 1823) paraît donner un état original différent des impressions ultérieures du texte en recueil: voir CV 17 (2018), p. 242-243.

1823

Esquisses historiques des principaux événements de la Révolution française, par Jacques-Antoine Dulaure, 1823-1825, 5 vol., t. I, p. 472-480, «Apothéose de Voltaire». Relation positive, de veine populaire : «Varions la scène; écartons pour un instant les tableaux sévères de la politique...»

1823-1885

Sous cette double date, on pourrait concevoir une notice traitant d’un ensemble de signes et de textes mis en perspective dans l’œuvre et la carrière de Victor Hugo, la seconde date marquant l’entrée de Hugo lui-même au Panthéon [1885 1er juin]. A la première date se rattache le plus ancien indice repéré d’un intérêt du jeune «Victor M. Hugo» pour Voltaire comme figure du Panthéon: il décrivait alors la translation comme «une saturnale funèbre» («Notice» d’un Choix moral de lettres de Voltaire, Auguste Boulland, 1824, 4 vol., t. I, p. xxxii – la réimpression dans Littérature et philosophie mêlées porte la date «Décembre 1823»). Dans l’intervalle, on pourrait mettre en rapport, entre autres, la pièce «Hymne» des Chants du crépuscule en 1831; puis dans Les Châtiments, en 1853, les mentions du Panthéon dans les pièces «Puisque le juste est dans l’abîme» (II, 5) et «Apothéose» (III, 1) – peut-être aussi la pièce liminaire «Nox», placée sous le double signe de Jésus et de Voltaire; en 1864, plusieurs passages du William Shakespeare, surtout la scène reconstituée de la violation de sépulture par les ultras de la Restauration (infra); en 1867, l’introduction du Paris Guide de l’Exposition universelle (infra); et en 1878 enfin la péroraison du «Discours sur Voltaire» des célébrations du Centenaire, avec ses références aux «sépulcres vénérables» et aux «illustres fantômes» convoqués autour de Voltaire (dont Rousseau) – la clausule du discours appelant peut-être encore l’idée du Panthéon reconquis: «Que la lumière sorte des tombeaux!»

1824

Histoire de la vie et des ouvrages de Voltaire, par L. Paillet-de-Warcy, 2 vol. in-4o, t. II, p. 419-428. Relation hostile, pimentée d’un témoignage prétendu de visu, inventif et anonyme.

1824

La Messénienne sur Lord Byron de Casimir Delavigne comporte une strophe sur le Panthéon qui fit scandale à droite et fut chérie des jeunes libéraux: «Un temple qu’on mutile a recueilli Voltaire...» (v. 44). La fin évoque Westminster, donc à nouveau le Panthéon, avec cette chute: «Pressez-vous, rois, place au grand homme.»  Un critique ultra éplucha le poème vers à vers, en 15 pages: M. Casimir Delavigne cité au tribunal de la raison, de la langue et du goût [...], par J.-N. Blondin, 1826.

1825 7 décembre

Le Miroir des spectacles, des lettres, des mœurs et des arts, revue libérale, donne un compte rendu des Mémoires sur Voltaire de Longchamp et Wagnière (no 934, p. 2-3), non signé, très favorable. Le sous-entendu final mérite d’être interrogé: «Les cendres de Voltaire ne sont plus à l’abbaye de Scellières, elles furent transportées au Panthéon à l’époque où le Panthéon était ouvert aux grands hommes, avant qu’on y enterrât des sénateurs. Il est vrai qu’aujourd’hui la tombe de Voltaire n’est nulle part, mais son esprit est partout.» [Soulignement de lecture.]

1826

A cette date se rattache la plus ancienne trace imprimée actuellement connue d’une conviction directement exprimée de la violation des sépultures déjà accomplie: «C’est là [à l’abbaye de Scellières] que furent déposés les restes de Voltaire. On les transporta depuis au Panthéon; ils en ont été enlevés avec ceux de Rousseau pour être jetés où il a paru convenable aux manœuvres employés à cette profanation, et sans que personne aujourd’hui puisse peut-être indiquer le lieu qui les recèle. On se souviendra que ce fut sous le ministère de M. de Corbière, dans un siècle où les lettres et les arts étaient pourtant en honneur. Les descendants des Vandales avaient pillé Pont-sur-Seine et Romilly, mais ils avaient du moins respecté les tombeaux» (Résumé de l’histoire de la Champagne, depuis les premiers temps de la Gaule jusqu’à nos jours, par François de Montrol, p. 495-496). Ce Mongin de Montrol (1799-1862), historien, publiciste, homme politique, et Champenois par ailleurs (natif de Langres), était très introduit dans les arcanes parlementaires. Un témoignage ultérieur fait cependant remonter plus haut l’acte supposé (jusqu’en 1814) et sa première rumeur (jusqu’en 1818): voir [1864 15 février].

1827 26 mars

Procès-verbal supposé de pose d’une «double clôture» autour des caveaux renfermant les sarcophages de Voltaire et de Rousseau sous le porche de l’édifice, opération qui aurait donné lieu à une vérification des «fermetures des caveaux», lesquelles auraient été trouvées «en bon état»: pièce manquante au dossier, mais citée dans la lettre ministérielle adressée quatre ans plus tard à Beuchot pour justifier un refus d’accès au cercueil de Voltaire [1831 12 décembre].

1829 25 avril

Une pétition des sieurs Lepayen et Legrand pour que les cendres de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau «soient transférées avec toute la pompe convenable au cimetière du Père Lachaise» est examinée en commission à la Chambre des députés et écartée (L’Ami de la Religion et du Roi, 29 avril 1829, p. 349). Le contexte évoque une démarche d’esprit libéral.

1830 18 avril

Le Figaro du jour, p. 2, publie une pochade intitulée «Le Vaisseau débaptisé», où s’est glissée cette réplique suggestive: «Le règne de Voltaire et de Rousseau est passé, grâce aux missionnaires qui ont jeté leurs cendres hors du prétendu Panthéon.» [Soulignement de lecture.]

1830 1er août

Au lendemain de la Révolution de juillet, un cortège d’étudiants en armes rétablit l’inscription du fronton du Panthéon (sur une banderole apparemment) et hissent sur le monument le drapeau tricolore (Evénements de Paris des 26, 27, 28 et 29 juillet 1830, par plusieurs témoins oculaires, 1830, p. 179-180).

1830 août

Des mouvements populaires forcent l’entrée du Panthéon et l’occupent à plusieurs reprises pour réclamer le libre accès aux caveaux de Voltaire et de Rousseau: voir les archives administratives citées par Denis Bocquet dans Panthéon ou église Sainte-Geneviève. Les ambiguïtés d'un monument. 1830-1885, Mémoire de maîtrise d'histoire (dir. Alain Corbin), 1992 (en ligne à HAL-Archives ouvertes), p. 10-19, avec indication de recoupements dans les journaux du temps (Le National et Le Temps).

1830 20/25 août

«Les restes de Voltaire et de Rousseau viennent d’être retirés de l’espèce de basse fosse dans laquelle le vandalisme congréganiste les avait relégués. Ils ont été replacés dans leurs anciens caveaux au Panthéon» (Le National, 25 août – sans autre précision de date). Après neuf ans, les conditions et les effets de l’emmurement des caveaux où avaient été placés les deux sarcophages [1821 29 décembre] sont décrits par le procès-verbal de leur replacement dans la crypte: «mousse moisie», «humidité excessive et perpétuelle», «infiltrations», «dégradation», «délabrement» [1830 4 septembre]. Les circonstances de leur sortie sont évoquées dans le Journal des artistes du 1er décembre 1830 (p. 316-318). Un graveur d’architectures mortuaires, qui eut accès aux souterrains, a laissé un plan localisant le pourrissoir et date précisément cette sortie du 20 août 1830: voir Monuments funéraires [...] par Normand fils [Louis-Marie Normand, 1789-1874], Première partie, 1832, in-fol., planche 49, «Tombeau de Voltaire» et «Plan d’une partie des souterrains du Panthéon Français», avec notice explicative.

1830 26 août

Ordonnance de Louis-Philippe rendant le Panthéon «à sa destination primitive et légale» et instituant une commission d’étude sur les conditions d’admission aux honneurs du Panthéon.

1830 4 septembre

«Procès-verbal de replacement des sarcophages de Voltaire et de Rousseau» dans la crypte du Panthéon. Ce document n’est connu que par une «copie conforme» communiquée un an plus tard à Beuchot, après sa demande d’accès refusée au cercueil de Voltaire |1831 12 décembre] – Beuchot l’imprimera dans son édition parmi les «Pièces justificatives», t. I (1834), p. 467-470. La date fait problème par rapport à [1830 20/25 août], mais le texte implique des aléas et des délais non précisés: les sarcophages, dit la «copie conforme», ont été «retirés, il y a peu de jours [donc avant les constats], des caveaux où ils pourrissaient».

1830

Histoire pittoresque de la Révolution française, mise à la portée de tout le monde, par Léonard-Charles-André-Auguste Gallois, 3 vol., t. III, p. 228-231, «Apothéose de Voltaire». La relation finit sur la violation des tombeaux de Voltaire et Rousseau par «la Congrégation».

1830 11 décembre

Loi rendant au Panthéon sa fonction nationale et honorant «les héros des Journées de Juillet».

1831 12 décembre

Refus ministériel opposé à une requête (de date inconnue) d’Adrien Beuchot, qui demandait à accéder au Panthéon pour y vérifier la présence des restes de Voltaire. Cet échange important, dont Beuchot s’est abstenu de faire état dans son édition (voir t. I, 1834, p. 309-310), ne sera révélé qu’en 1864 dans L’Intermédiaire des chercheurs et curieux (no 5, 1er mai 1864, p. 72-73), qui en eut connaissance après la mort de Beuchot (1851) on ignore par quelle voie. Voir la notice publiée dans CV18 (2019), p. 282-286.

1832 février-mars

Débat à la Chambre des députés sur le projet de loi Salverte relatif aux «honneurs à décerner aux cendres des hommes illustres». Le projet sera retiré.

1832

Dans la huitième édition du Dictionnaire historique ou Histoire abrégée des hommes qui se sont fait un nom [...] de l’abbé Feller, continué par Henrion [le directeur du Drapeau blanc], se glissa l’addition suivante (référence et contexte à retrouver): «1822 (3 janvier). Les restes de Voltaire et de Rousseau, déposés dans le temple auquel on avait donné le nom de Panthéon, sont transportés au cimetière du Père Lachaise. L’église Sainte-Geneviève, rendue à la religion, est bénie par l’archevêque de Paris.» Cet article se retrouvera mot à mot en 1836 dans la réédition de l’Abrégé chronologique de l’histoire de France du président Hénault, révisée par le célèbre biographe Michaud (p. 867). Reprise apparemment des journaux de l’»poque  [1822 3-6 janvier], cette donnée sera discutée dans l’enquête de 1864 (infra) et traitée dans Moland (t. I, p. 496) et Desnoiresterres (t. VIII, p. 526) comme une pure diversion déguisant la «violation de sépulture». Les registres d’entrée du cimetière du Père-Lachaise furent compulsés en 1864 sans résultat (Intermédiaire des chercheurs et curieux, no 6, 15 juin 1864, p. 98).

1832

Le recueil annuel de la revue Némésis. Satire hebdomadaire d’Auguste Barthélemy (1796-1867) contient un poème de veine libérale et patriotique intitulé «Le Panthéon français», daté in fine «18 mars 1832» (p. 375-382) : nostalgie de l’Empire, vœu de refondation du monument national, rejet du protocole d’admission auquel travaillait le ministère Guizot. Les grands hommes du passé sont salués, sans les noms.

1833

F. de Montherot, Mémoires poétiques. Evénements contemporains, voyages, facéties. «Le Panthéon. Septembre 1830», p. 41-46, poème satirique contre la commission formée par Guizot pour fixer des règles d’admission au Panthéon.

1833

«Au Panthéon», poème dithyrambique de Constant Berrier, poète et dramaturge, dans son recueil Sensations, Paris, 1833, p. 199-208 – longue évocation lyrique de la translation de Voltaire. Une notice est envisageable sur ces trois poèmes de 1832-1833.

1834-1836

Souvenirs de la marquise de Créquy [1714-1803], 7 vol. in-8o. Réimpr. 1873, t. VII, p. 177-179. Relation burlesque et dégradante.

1837 septembre

Achèvement du fronton du Panthéon commandé à David d’Angers en 1830 qui montre parmi «les illustrations de l’ordre civil», sur le côté droit, pour la première fois depuis la Révolution, les portraits sculptés de Voltaire et de Rousseau. Voir Description du fronton du Panthéon, contenant l’explication exacte du bas-relief qui le décore, exécuté par M. David, s.d. (1837). L’archevêque de Paris prescrivit une neuvaine d’expiation dans toutes les paroisses du diocèse contre «ces images couronnées d’écrivains impies, licencieux et corrupteurs» («Lettre aux curés», 9 septembre 1837, insérée dans La Quotidienne du même jour).

1837

La Royauté de Juillet et la Révolution, par Alphonse Pépin, 2 vol., réflexions de philosophie politique, entre autres sur les fonctions du Panthéon. Voir t. II, p. 126 sqq. sur le projet de loi Salverte (1832), et p. 183-188 sur l’histoire et l’idée des «grands hommes».

1838

Salvy (Louis), Quelques réflexions d’un vieux croyant catholique sur le changement des sculptures, emblèmes et figures fait au frontispice du Panthéon, ci-devant l’Eglise Sainte-Geneviève, 40 p. Mentions hostiles à Voltaire p. 5-7, 22-23 et 25.

1839-1840

Histoire populaire de la Révolution française de 1789 à 1830, 1839-1840, par Etienne Cabet, 2 vol., t. I, p. 379-381. Vision positive.

1840

Journées mémorables de la Révolution française, racontées par un Père à ses Fils [...], par M. le vicomte Walsch, 3 vol. in-8o, t. III, p. 163-167. Récit hostile, personnel, pittoresque.

1841

Duval Georges [1777-1853], Souvenirs de la Terreur de 1788 à 1793, Paris, 1841, 3 vol. L’apothéose de Voltaire est évoquée au t. I, p. 286-293, puis symbolisée en «scène originaire» de la Révolution (t. II, p. 53-55, 68-69 et 86; t. III, p. 221 et 223).

1842

Challamel (Augustin), Histoire-musée de la République française depuis l’Assemblée des Notables jusqu’à l’Empire, Paris, Challamel éditeur, 1841-1842, 2 vol.; t. I, p. 148-154. Evocation personnelle, populaire et patriotique, avec des vignettes reproduisant «une garniture de boutons conservée jusqu’à nos jours», propriété d’un lieutenant-colonel Maurin (p. 149 et 152n.) – cette illustration pourrait être reprise pour un prochain frontispice des CV. Une notice d’ensemble est envisageable sur ces visions contradictoires de l’événement dans le «moment 1840».

1844 31 août

A l’occasion du prix d’éloquence décerné par l’Académie française à François-Antoine Harel pour son Discours sur Voltaire, le quotidien Le Siècle publie dans sa rubrique «Variétés» (p. 3) un article de Michelet intitulé «Voltaire». Texte brillant, dense – et méconnu – placé sous le signe du Panthéon à reconquérir après une initiative d’étudiants du Quartier latin qui avaient déclaré vouloir élever une statue à Voltaire «sur la montagne des écoles, aux portes du Panthéon»: «C’est la place d’honneur... Voltaire une fois à ce poste, nous ne craindrons plus que les esprits de ténèbres qui rôdent à l’entour puissent jamais nous prendre par surprise ce temple de l’avenir.» [Soulignement de lecture.]

1848 11 avril

Décret de Ledru-Rollin, au nom du gouvernement provisoire de la Seconde République, confiant au «citoyen Paul Chenavard» une nouvelle décoration murale du Panthéon, avec agrément donné à ses esquisses. Dans la vision d’une «palingénésie universelle» – d’une épopée de l’humanité –, un temps devait être marqué pour le dix-huitième siècle, figuré par l’image d’un «Escalier de Voltaire» regroupant «Voltaire et les encyclopédistes». Voir Charles Blanc, Les Artistes de mon temps, 1876, p. 205 et Philippe de Chennevières, Les décorations du Panthéon, 1885, p. 62-67. (Le second auteur évoque aussi les tombeaux vides, p. 71). Le grand carton du tableau de Chenavard est perdu; mais il en subsiste un dessin, conservé au Musée des beaux-arts de Lyon –  autre idée de frontispice pour une livraison future de l’enquête. Théophile Gautier a évoqué le tableau dans L’Art moderne: «Rien n’est plus fin et plus ingénieux que cette composition où pétille tout l’esprit de Voltaire.» Sur l’enterrement du projet Chenavard, jugé d’emblée «monstrueux» à droite, avant même le coup d’Etat de Louis-Napoléon, voir L’Ami de la religion, 4 mars 1851, p. 529-532.

1851 6 décembre

Décret de Louis-Napoléon rendant l’édifice de Sainte-Geneviève au culte catholique – ce fut l’un des tout premiers décrets promulgués au lendemain du coup d’Etat.

1852

Histoire de l’église Sainte-Geneviève [...} ancien Panthéon français, par Ch. Ouin-Lacroix, p. 81-96. Un second décret de Louis-Napoléon, président de la République française, venait tout juste de définir les modalités du retour de l’édifice à l’Eglise (22 mars 1852): le livre se clôt sur l’annonce de la «réinauguration» imminente de «ce temple splendide» (p. 149-151).

1852-1864

Dans la Sentinelle du Jura aurait été publiée, le 30 mai 1852, reprise d’un numéro récent du Journal de Guyenne, une déclaration d’un magistrat éminent, M. de Montaubricq [Jean-Baptiste-Marie-Joseph de Montaubricq, 1789-1856], attestant que les tombeaux de Voltaire et de Rousseau étaient bel et bien vides: ces prétendus grands hommes avaient «fait place pour toujours au Dieu dont ils avaient usurpé le domaine», ce qu’il pouvait assurer avec conviction, l’ayant appris «il y a trente ans, par de graves et authentiques récits»: «On peut fouiller, concluait la lettre, on n’aura pas même un peu de poussière.» C’est grâce à un abonné du Jura, qui la signalait douze ans après, que l’Intermédiaire des chercheurs et curieux put insérer dans son no 6 (1er juin 1864), p. 81, cette déclaration spontanée d’un «ancien procureur général», en la versant au dossier. Revendication plutôt qu’aveu, la lettre de Montaubricq sera beaucoup citée et commentée: voir la Correspondance littéraire, 8e année, no 9, 25 juillet 1864, p. 271-272 et 275; l’Intermédiaire, no 11 (20 août 1864), p. 161-162, etc. Voir aussi plus loin la rubrique «Recherches en cours» [1852].

1853 3 janvier

Seconde «inauguration de Sainte-Geneviève», après celle de 1822 [1822 3 janvier]. L’Univers du 4 janvier, p. 2-3, imprime le «discours» prononcé par l’archevêque de Paris, Mgr Sibour, retraçant «les vicissitudes» du monument – sans le terme Panthéon: «Au fond, le mal était dans les idées du dix-huitième siècle, déchaînées et triomphantes...» Dans son numéro du lendemain, L’Univers y revient pour son propre compte: «Mais les tombeaux de Voltaire et de Jean-Jacques, ou plutôt les simulacres de ces tombeaux [soulignement de lecture] qu’on  voyait dans l’église basse? Ils n’ont point perdu la place qu’un délire impie et révolutionnaire leur a faite dans ses plus mauvais jours; seulement, ils ont sans doute été refoulés et murés, comme à l’époque de la Restauration, sous le péristyle; en sorte que ce péristyle, tant à sa base que dans son couronnement [i.e. le fronton] reste païen, pendant que l’intérieur de l’édifice redevient chrétien.»

1856

Annales de philosophie chrétienne. Recueil périodique, 4e série, tome XIII, no 75. «Honneurs rendus à Voltaire après sa mort, jusqu’à son intronisation au Panthéon», p. 182-202. Strict relevé historique des faits.

1858

Lamartine, Cours familier de littérature, 166e entretien portant sur Voltaire. Le dernier point traité évoque la mort de Voltaire et depuis sa mort ce que Lamartine appelle son «influence alternative»: «Le christianisme et la philosophie ne cesseront pas de se disputer ce cercueil, l’un pour la malédiction, l’autre pour l’apothéose, tant que l’une [sic] ne l’aura pas définitivement emporté sur l’autre, ou tant que l’une et l’autre ne se seront pas réconciliés dans une philosophie chrétienne ou dans un christianisme philosophique.»

1862 25 février-

Dans la Correspondance littéraire. Critique, beaux-arts, érudition (6e année, no 4), Gustave Servois, archiviste et paléographe, un des directeurs de la revue, donne un compte rendu (p. 103-109) du Dernier volume des œuvres de Voltaire par Jules Janin, qui venait de paraître. A la fin de l’article, un excursus sur les tombeaux du Panthéon lui permet de glisser une anecdote à sensation dont il est le dépositaire, qui sera souvent reprise et discutée: selon un témoignage qu’il a personnellement recueilli, le déplacement du cercueil en décembre 1821 aurait donné lieu «officieusement», le même jour «à six heures du matin», mais sans procès-verbal, à une opération préalable à laquelle son témoin avait assisté: «la translation du corps de Voltaire d’un cercueil dans [un] autre» (p. 108 et note – voir aussi un complément du numéro du 25 avril 1862, p. 76). L’enquête de l’Intermédiaire des chercheurs et curieux une fois lancée, deux ans plus tard («La tombe de Voltaire a-t-elle été violée en 1814?», infra), Servois devait revenir de lui-même sur ce témoignage pour le préciser, le nuancer et le commenter (Correspondance littéraire, 25 janvier 1864, p. 86-87). L’Intermédiaire lui répondit dans son numéro du 15 mars, p. 42, d’où un dialogue suivi entre les deux revues, et un premier bilan que Servois dressera dans la Correspondance littéraire du 25 juillet 1864 («Le tombeau de Voltaire», p. 271-276) –  il s’y ralliait à la thèse de la profanation, en tenant pour la date 1821-1822. Voir les derniers commentaires de l’Intermédiaire (20 août 1864, p. 161-164), insérant une longue lettre de Paul Lacroix, alias «le bibliophile Jacob», lui-même dépositaire d’un autre témoignage qui lui faisait contester la position de Servois et maintenir la date 1814 (p. 162-163). Voir aussi la Correspondance littéraire, 11 septembre 1864, p. 341. En 1897, dans son rapport sur la mission ministérielle de vérification des tombeaux, Marcellin Berthelot indiquera avoir reçu de Servois la confidence de l’identité du témoin allégué en 1862, mais il y opposera ses objections propres (Journal des savants, février 1898, p. 122). Le nom de l’informateur de Gustave Servois manque toujours au dossier – et aussi celui de l’informateur de Paul Lacroix.

1864 15 janvier

«La tombe de Voltaire a-t-elle été violée en 1814?»: c’est l’une des premières «Questions» posées dans le numéro de lancement de l’Intermédiaire des chercheurs et curieux (15 janvier 1864, p. 7). D’où des «Réponses» dès le numéro 2, puis d’autres à la file, un vrai feuilleton de plus de six mois, enregistrant des témoignages, des hypothèses, des corrections, des démentis, et des échos d’autres journaux qui se saisissaient à leur tour de la question : voir no 2 (15 février), p. 25-26; no 3 (15 mars), p. 42-44; no 4 (1er avril), p. 49-50 et 57-59; no 5 (1er mai), p. 65-66 et 71-73; no 7 (15 juin), p. 97-98; no 11 (20 août), p. 161-164. C’est  dans ce cadre que furent référencés et discutés à mesure la plupart des indices et témoignages anciens d’une profanation suspectée depuis la Restauration. Une notice d’ensemble paraît indiquée.

1864 15 février

Dans son no 2 paru sous cette date, l’Intermédiaire des chercheurs et curieux publie (p. 25-26) la réponse du «bibliophile Jacob» (Paul Lacroix) : c’est le premier récit public, extrait de ses futurs mémoires à paraître, de la profanation soupçonnée des tombes du Panthéon. Paul Lacroix dit en avoir reçu la confidence vers 1818 et situe le fait en 1814. Vif écho dans la presse libérale, p. ex. le 2 mars dans La Presse, qui reproduira sa lettre, p. 2. C’est la source d’une page saisissante du William Shakespeare de Hugo [1864 14 avril]. Sur les Mémoires de Paul Lacroix, alias le bibliophile Jacob, attestés mais aujourd’hui considérés comme perdus, voir ci-après l’annexe Recherches en cours [1884-].

1864 28 février

Le journal Figaro publie sous la signature de J. Dupeuty, son chroniqueur, un article intitulé «Le Cœur de Voltaire». On y apprend, avec des détails «de bonne source», que la donation récente du cœur de Voltaire à l’Etat vient de fournir l’occasion d’une découverte pressentie depuis longtemps : «Les cendres de Voltaire ne sont plus au Panthéon». Le vœu exprimé par Napoléon III de réunir le cœur de Voltaire à sa dépouille aurait fait ouvrir le tombeau, lequel s’était trouvé vide, confirmant la rumeur: le fait est présenté comme ayant été vérifié par bon procédé auprès de l’archevêque de Paris lui-même. Aucun démenti ne suivra, aucun commentaire. Cet article s’inscrit dans une tradition maison volontiers provocatrice touchant Voltaire et son influence. Le Panthéon avait été souvent «blagué» par Figaro depuis 1830, par exemple dans un billet sur l’enlisement de la commission Guizot (numéro du 12 mars 1832, p 1, «Le Panthéon») – qui évoquait en passant «les os de Voltaire abandonnés aux prêtres et souillés d’injures»... Mais aucun témoignage n’est apparu depuis pour confirmer ou infirmer, d’un point de vue historique, cette concertation alléguée en 1864 entre pouvoir d’Etat et autorité d’Eglise, en l’occurrence entre le ministre de l’Intérieur Boudet, et l’archevêque Darboy – nommés l’un et l’autre dans l’article.

1864 mars

Dans le numéro du Siècle du 3 mars, première réaction à la rumeur «étrange» lancée par Figaro: elle prend de plus en plus de «consistance». L’Intermédiaire des chercheurs et curieux réagira au scoop avec le plus grand sérieux, et même dramatiquement (15 mars 1864, p. 43-44). Le Figaro du 6 mars note lui-même que le bruit se répandit vite en province (p. 6), etc.

1864 14 avril

Publication du William Shakespeare de Victor Hugo. Au livre III de la deuxième partie, chapitre 3, un excursus est consacré aux haines qu’inspirent les grands hommes, à la haine tenace vouée de tout temps à Voltaire et à Rousseau : «Quelquefois la diatribe s’assaisonne de chaux vive...». C’est là qu’on lit la «scène» visionnaire des sépultures violées et de la destruction des restes : «La haine mange du cadavre...» Ce récit eut un retentissement considérable et durable. Il fera l’objet de démentis exprès au lendemain de la mission ministérielle d’ouverture des cercueils en 1897: voir par exemple Le Figaro du 26 décembre 1897, p. 5.

1864 1er mai

Un appel à une «Souscription nationale pour élever un monument à Voltaire» est lancé dans le petit journal socialiste Ecoles de France, fondé peu avant par Marc Bayeux et Charles Longuet. Elle s’adresse d’abord aux jeunes gens, aux étudiants: «La tombe de Voltaire a été violée! / Il faut une réparation, non pas à Voltaire, mais à nous-mêmes. Il est impossible que nous laissions accuser notre siècle d’ingratitude envers le père de la libre pensée moderne...» – d’où le projet d’une statue qu’on érigerait «dans l’emplacement le plus voisin du Panthéon, où la profanation a eu lieu». Ce périodique étant difficile d’accès, on pourra lire l’appel dans le numéro du 5 février 1867 (p. 1) du journal Le Siècle, où il fut reproduit et commenté à l’occasion d’un litige de priorité; voir aussi dans Le Siècle du 11 février 1867, p. 2, une lettre d’explication de Marc Bayeux éclaircissant les circonstances de l’appel de 1864. L’initiative publique d’une statue de Voltaire placée «aux portes du Panthéon» remontait en fait à 1844 [1844 31 août].

1867 25 janvier

Un appel à une «Souscription pour élever une statue à Voltaire» est lancé en première page du Siècle, dans un éditorial de Léonor-Joseph Havin, son directeur politique. Dans le constat liminaire du déni contemporain de la survie symbolique de Voltaire – privé de toute statue dans l’espace public, à Paris comme en province –, la sépulture violée du Panthéon est naturellement évoquée en bonne place. Annonce parallèle d’une édition populaire de ses œuvres complètes, en huit volumes. Sur les suites de la souscription, voir CV1 (2002), p. 202-205. Au volume I de l’édition (1867), un «Appendice» d’Emile de La Bédollière ajoutera à la Vie de Voltaire par Condorcet un complément sur Voltaire posthume et sur les restes profanés (p. 36-37).

1867

«Le Panthéon», notice d’Edgar Quinet publiée dans Paris Guide, par les principaux écrivains et artistes de la France. Première partie, «La Science et l’Art», Paris, Librairie internationale, 1867, p. 658-670 – le texte est signé «Veytaux, 1er novembre 1866». Il s’agit d’un guide conçu pour l’Exposition universelle de Paris (1867), la seconde partie étant sous-titrée La Vie. Cette publication populaire en deux volumes comporte une «Introduction» générale» de Victor Hugo (p. I-XLIV), signée «Hauteville-House, mai 1867», d’inspiration libérale et républicaine comme l’étude de Quinet. Mentions de Voltaire p. XXVII, XXXVIII et XLII, et du Panthéon p. XXVIII. Quinet quant à lui salue Voltaire, p. 659 et 664-666, en proposant  pour l’avenir du monument, une fois rendu à la nation, une liste de personnalités d’esprit libéral«panthéonisables», hommes et femmes (p. 668-669). Les deux signatures de Quinet et Hugo marquent un même exil volontaire contre le Second Empire. Une notice réunissant les deux documents paraît indiquée.

1868

Dérisoud (Charles-Joseph), Les Campagnardes, recueil poétique de veine populaire, dont «Les Cendres de Voltaire», poème sur la profanation du Panthéon, directement inspiré du William Shakespeare de Hugo, p. 58-63.

1874

Babeau Albert, L’Exhumation de Voltaire, autour du procès-verbal du 10 mai 1791: document clé sur la première translation, de l’abbaye de Scellières à Romilly. Cette étude indique des documents des archives de l’Aube peu connus et sous-exploités.

1874

Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, par Pierre Larousse, t. XII, article «Panthéon», avec une sous-entrée «Panthéon de Paris-Eglise Sainte-Geneviève», p. 128-130.

1875

Damilaville, Etienne, Voltaire à Paris [...] suivi de l’histoire posthume de Voltaire. Le chapitre VI est intitulé «Voltaire à la voirie. 1814», p. 180-193.

1876

OCV, éd. Moland, t. I, «Pièces pour servir à l’histoire posthume de Voltaire», document no XXXVIII : «Violation du tombeau de Voltaire», p. 497-500.

1876

Desnoiresterres, t. VIII, Voltaire. Son retour et sa mort (1876), p. 472-501 (la panthéonisation) et 518-526 (la violation du tombeau).

1877

Date et thèse aventurées d’Eugène de Mirecourt [sous le pseudonyme Armel de Kervan (Edm.)], dans Voltaire, ses hontes, ses crimes, ses œuvres et leurs conséquences sociales, revue historique et critique au sujet du centenaire projeté, p. 264: «Allez visiter, dans les cryptes funèbres du Panthéon, le froid et lourd monument qui lui sert de tombeau (1). Les pierres suintent et l’herbe croît autour des pavés. Nous n’avons vu qu’un sentier frayé dans cette herbe: il conduit à Sainte-Geneviève.» Au-dessous, la note (1) précise : « Les os de Voltaire ne sont plus dans ce tombeau. En 1815, ils ont été enlevés par ordre du préfet de police et jetés dans les égouts.»

1878 25 mai

Lettre pastorale de Mgr Besson, évêque de Nîmes, au clergé et aux fidèles de son diocèse, citée in extenso dans les Annales catholiques, numéro du 8 juin 1878, à l’occasion du Centenaire de la mort de Voltaire : «[...] Mais, parmi les morts comme parmi les vivants, c’est à Dieu qu’appartient le dernier mot. Descendez dans les caveaux du Panthéon, ouvrez la tombe de Voltaire, cette tombe est vide, les ossements de l’impie ont été dispersés, on ignore quel jour et par quelle main. Dieu les a jetés au vent, mais le doigt de Dieu est toujours là, et Voltaire n’a pas joui de son sépulcre [...]» – vacuité du tombeau avérée, pleinement assumée (p. 521-522). (On trouve imprimés à la suite: le Discours de célébration de Hugo, p. 525-535, avec des notes critiques – mais sans discussion de ses références au Panthéon; puis la lettre publique de Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans, «A M. Victor Hugo» sur son discours, p. 535-541, mais pas la réponse publique de Hugo.)

1880-

Premiers usages scolaires du Panthéon comme symbole civique et républicain. Voir Simples notices de morale civique, des droits et devoirs du citoyen, par Charles Schuwer, 1882 – Jean Felber, Histoire d’une famille alsacienne [...] Lectures courantes, 1891, etc. Autres documents à retrouver.

1881 19 juillet

Examen à la Chambre des députés, à majorité républicaine, d’un projet de loi présenté par Benjamin Raspail, visant à «rendre le Panthéon à la destination qui lui fut donnée par l’Assemblée nationale en 1791» (Journal officiel. Débats parlementaires. 1881, p. 1696-1701). Ce débat oublié est doublement intéressant, par les interventions du député Charles-Emile Freppel, par ailleurs évêque d’Angers (1827-1891), réitérant les résistances cléricales à toute évolution du statut de Sainte-Geneviève, et par l’analyse historique du député François-Eugène Berger (1829-1903), expliquant les ambiguïtés originelles de la sécularisation du Panthéon, l’un et l’autre avec des références ou allusions obligées à Voltaire. Le projet de loi, facilement adopté, restera pourtant caduc, le Sénat de droite, hostile à la mesure, ne l’ayant pas inscrit à son ordre du jour.

1885 23-28 mai

Débat parlementaire autour des dispositions prises à la mort de Victor Hugo (22 mai) d’un double décret présidentiel, le premier lui accordant des funérailles nationales, le second rendant le Panthéon, pour l’y faire entrer, «à sa destination primitive et légale» : «Les restes des grands hommes qui ont mérité la reconnaissance nationale y seront déposés» (26 mai). Vive opposition des droites à la Chambre des députés, ranimant les souvenirs antagonistes de l’appropriation révolutionnaire et de la profanation ultra. Voir les Discours du comte Albert de Mun (Paris, 1888-1895), 5 vol., t. III, p. 303-319. Le décret relatif à «la désaffection du Panthéon» fut approuvé à la Chambre par un vote indicatif de 338 voix contre 90.

1885 1er juin

Grandioses funérailles nationales de Victor Hugo. Premier «grand homme» entré au Panthéon depuis 1815, troisième écrivain honoré après Voltaire et Rousseau, Hugo fut panthéonisé dans des conditions qui ramenaient le monument à un sens qu’on peut dire «voltairien», analogue à 1791: retour au concept national et laïc, neutralisation des antécédents sacrés, fin de l’hypothèque cléricale. D’où un retour latent de la figure de Voltaire dans l’actualité du moment, assez marqué dans les discours officiels, et pourtant peu explicite et presque tacite dans la presse courante, où il semble plus ou moins refoulé. La critique et la recherche «hugoliennes» ayant négligé ou méconnu cette dimension de l’événement, une notice paraît souhaitable sur ce dernier moment voltairien, le plus voltairien peut-être, de la carrière et du destin de Hugo. Voir [1823-1885].

1886 1er janvier

Retour sur l’histoire du Panthéon sous l’angle de la déchristianisation révolutionnaire, ravivant les anecdotes du vieux fonds conservateur, dans une étude de Frédéric Masson: «Le déisme pendant la Révolution. Le Panthéon et le culte de l’Etre suprême» publiée dans Les Lettres et les arts, t. I, no 1, p. 63-89 (voir p. 66-73). L’illustration placée en regard de la p. 72, un dessin gravé du peintre Charles Edouard Delort (1841-1895), décrivant une débandade de la translation de Voltaire noyée sous la pluie aux abords du Panthéon, pourrait servir aussi de frontispice à l’enquête.

1890 10 août

Dans l’Intermédiaire des chercheurs et des curieux, une contribution reprend toute l’histoire de l’effraction présumée des caveaux du Panthéon. Son auteur, Auguste Constellant, spécialiste de Rousseau, déclare douter du prétendu constat de vacuité de 1864 [1864 28 février] et appelle à une «initiative» formelle de vérification matérielle pour élucider la question: «Elle ne peut l’être d’une façon définitive que par l’ouverture des cercueils.»

1897 18 décembre

Une commission ministérielle agréée par Alfred Rambaud, ministre de l’Instruction publique, des beaux-arts et des cultes, constituée de parlementaires, de savants et d’hommes de lettres, et présidée par le sénateur Ernest Hamel sous l’autorité scientifique de Marcellin Berthelot, procède à l’ouverture des tombeaux de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau au Panthéon et constate dans les deux cercueils la présence d’ossements qui sont reconnus comme les leurs. L’événement, auquel avaient été conviés de nombreux journalistes, artistes et personnalités, eut un retentissement considérable dans la presse, toutes tendances confondues, sous toutes les formes et sur plusieurs jours, éditorial, critique historique, diatribe politique, méditation morale, etc. Parmi les références notables: L’Aurore (19, 20 et 22 décembre), La Croix (19 et 21 décembre), Le Figaro (du 18 au 24), La Fronde (19 et 26 décembre), Le Gaulois (du 19 au 23), le Gil Blas (19 décembre), L’Intransigeant (20 décembre), La Justice (20 décembre), La Lanterne (20 décembre), La Libre parole (19 décembre), Le Matin (19 décembre), Le Parisien (19 et 28 décembre), La Patrie (19 décembre), Le Petit Journal (19 et 21 décembre), Le Radical (20 et 24 décembre), La Presse (19, 21 et 24 décembre), Le Rappel (20 et 23 décembre), Le Soleil (19 octobre), Le Temps (22 et 23 décembre), L’Univers (20, 22, 23 et 24 décembre), Le Voltaire (20 décembre). Deux objets autrement importants se disputaient l’attention publique à cette époque: l’Affaire Dreyfus et le scandale du Panama – le scoop des ossements retrouvés y fit un moment diversion. Plusieurs types de notices sont envisageables, par exemple en fonction des positions prises, ou par enjeux, ou isolées pour quelques textes remarquables. Une notice est en préparation sur un article d’Emile Faguet paru dans Le Gaulois du 23 décembre 1897, qui révoque avec autorité «la légende». Un dossier de presse (novembre 1897-janvier 1898) est conservé au Musée Jean-Jacques Rousseau de Montmorency.

1897 21 décembre

Au Sénat, le ministre Rambaud doit s’expliquer sur les débordements observés au Panthéon le 18. Certains comptes rendus de séance laissent entrevoir sa réprobation du caractère médiatique et mondain donné à l’événement. Une motion soumise par Ernest Hamel, prévoyant l’édification de monuments définitifs en marbre sur les sépultures de Voltaire et de Rousseau, est adoptée en procédure d’urgence par 203 voix contre 29. Large répercussion dans la presse. Une commission spéciale sera constituée en janvier sur ce projet des monuments, présidée par Berthelot.

1897 25 décembre

Lettre d’un médecin des hôpitaux à Augustin Cabanès, directeur de La Chronique médicale, sur «les fouilles du Panthéon», regrettant que la mission n’ait pas procédé dans des conditions convenables à «l’identification rigoureuse et scientifique des squelettes que l’on recherchait», faute d’avoir pris «toutes les dispositions nécessaires pour qu’on ne conservât aucun doute dans l’avenir sur la présence bien réelle des ossements de Voltaire et de Rousseau au Panthéon»: «Si l’on eût recueilli des documents très précis sur les crânes et les squelettes quant à la dimension, à la forme, etc., on eût pu les confronter avec les images que nous avons de ces grands hommes. Tant qu’on ne nous aura pas donné les résultats de ces comparaisons, de ces études anthropométriques, nous serons en droit de considérer les fouilles du Panthéon comme une simple satisfaction offerte à la curiosité publique» (La Chronique médicale, 9e année, no 2, 15 janvier 1898, p. 48). Cabanès ne précise pas l’identité de l’auteur de cette lettre, mais il s’agissait très probablement d’une autorité reconnue – il lui donne du «maître» et approuve «ses réflexions si judicieuses».

1897 25 décembre

Requête de Vincent Laborde, directeur du laboratoire d’anthropologie, à Alfred Rambaud, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts, sollicitant «l’autorisation de procéder, dans les règles, à l’examen anthropométrique des squelettes de Voltaire et de Rousseau». La lettre sera résumée et la démarche expliquée dans La Tribune médicale, numéro du 9 février 1898, p. 104.

1897 28 décembre

Rapport de Berthelot à l’Académie des sciences. Il sera résumé dans le Journal des savants, février 1898, p. 113-125. Ce document, pièce capitale de notre enquête, est négligé dans la tradition des études voltairiennes – son objet étant a priori jugé classé.

1898 6 janvier

Réponse négative du ministre Rambaud à la requête de Laborde, lequel la publiera dans La Tribune médicale du 9 février, p. 104, in extenso. Le refus n’est ni motivé, ni assumé: «Il ne m’est pas possible de donner satisfaction à votre demande, et je vous en exprime tous mes regrets».

1898 15 janvier

Dans La Chronique médicale, 5e année, no 2, p. 44-53, article d’Augustin Cabanès, directeur de la revue: «L’exhumation des restes de Voltaire et de Rousseau». Balancé entre soulagement politique («Désormais, la Restauration est lavée plus que d’un crime, d’une faute qui, entre toutes, eût été odieuse...») et réserves au moins formelles de méthode («Nous avons exprimé, dès le principe, notre étonnement de ne pas voir figurer parmi les membres de la commission un anthropologiste»), cet article inclut deux lettres plus critiques, l’une du 25 décembre d’un confrère non identifié (voir supra), l’autre, sans date, du docteur Alexis Dureau, bibliothécaire de l’Académie de médecine et collaborateur attitré de la revue (p. 51-53).

1898 9 février

Dans La Tribune médicale, compte rendu détaillé de Vincent Laborde, directeur du Laboratoire d’anthropologie et rédacteur de la revue, sur la mission Hamel et ses résultats: «A propos de l’ouverture des cercueils de Voltaire et de J.-J. Rousseau au Panthéon. L’absence d’intervention scientifique compétente». Laborde y fait état de plusieurs «doléances» argumentées de collègues spécialistes et relève le «laconisme négatif» de la réponse ministérielle comme un trait de pure autorité administrative (La Tribune médicale, 9 février 1898, p. 101-104).

1898 11 février

Lettre du Dr Charles Monod à Augustin Cabanès pour communiquer publiquement les mensurations des squelettes de Voltaire et Rousseau telles qu’il a pu les relever avec son cousin le Dr Louis Monod lors de l’ouverture des cercueils au Panthéon le 18 décembre – «à l’aide des moyens très imparfaits dont nous disposions», et «faute de mieux» (La Chronique médicale, 5e année, no3, p. 126). Il y exprime quatre regrets: 1/ qu’on n’ait pas fait appel à des personnes plus qualifiées (il en avait donné, dit-il, le conseil et nomme ici Vincent Laborde); 2/ que les conditions d’observation n’aient pas été mieux ménagées; 3/ qu’en dernier lieu, la requête formelle de Laborde (devenue publique) ait été refusée par le Ministre; 4/ que l’enquête doive en rester ainsi à un stade liminaire: «Il avait été d’ailleurs entendu que les cercueils provisoirement refermés, mis sous scellés, seraient rouverts plus tard pour l’examen qui s’imposait» Cette lettre de Charles Monod sera citée et approuvée dans Le Progrès médical, tome VII, 1898, p. 413. Elle atteste des antécédents non documentés dans les travaux de la commission Hamel. Les mensurations relevées n’ont jamais été exploitées.

1898 3 mars

Rapport favorable de la commission sénatoriale Berthelot constituée en janvier, avec dépôt d’une motion en faveur de monuments en marbre, qui sera votée le 8 mars par 232 voix contre 28.

1901 8 février

Au Sénat, dans la discussion du budget des beaux-arts, une question est posée par Berthelot au ministre sur l’état d’avancement du projet des mausolées. Réponse favorable du ministre qui s’engage à faire une demande de crédit spécial.

1904

Les Tombeaux de Rousseau et de Voltaire au Panthéon. Lettre adressée à M. Chaumié, Sénateur, Ministre de l’Instruction publique, par M. Hippolyte Buffenoir, homme de lettres, 8 p. Rétrospective de l’histoire des deux sépultures et vœu d’un aménagement définitif des tombeaux, restés dans un état insatisfaisant depuis la Révolution: «Admirateurs bénévoles, fils timides des deux plus grands génies du dix-huitième siècle, n’aurons-nous jamais que le courage des paroles, et reculerons-nous toujours devant l’action?» (Buffenoir, éminent rousseauiste, avait assisté à l’ouverture des tombeaux en 1897.)

1906

A la fin du classique Voltaire de Gustave Lanson (1906), cette évocation irénique de l’intervalle 1778-1791: «Voltaire n’attendit pas longtemps sa revanche...» (p. 201).

1985-1995

A la fin du dernier développement du Voltaire en son temps de René Pomeau et alii sur l’histoire posthume de Voltaire, t. II (1995), p. 645-654, le vœu d’avenir d’une «réconciliation [...] dégagée des partis pris» entre Voltaire et Rousseau, écho direct de la célèbre formule de l’érudit et bibliophile John Grand-Carteret au sortir du Panthéon : «Voltaire et Rousseau sont retrouvés. Et maintenant [...] que reste-t-il à faire?  Les réconcilier» (Le Figaro, 19 décembre 1897).  Ces dernières pages du Voltaire en son temps sur «Le Panthéon» sont de Pomeau lui-même.

2014

Un billet posté le 16 décembre 2014 sur le blog «La Brouette de Couthon (Curiosités, manuscrits, art outsider & props)» mérite une mention comme attestant, autour des enjeux de la vérification des tombeaux, la rémanence d’un certain sensationnalisme – genre «Grandes énigmes de l’histoire». Sous le titre «A la recherche des cendres perdues», ce billet réunit un ensemble curieux de données et de documents sur la fameuse séance du 18 décembre 1897 au Panthéon, dont une pièce rarissime apparemment inédite, bien reproduite: le carton autographe d’un des nombreux «Laissez-passer» délivrés ce jour-là privément par des membres de la commission Hamel – en l’occurrence par John Grand-Carteret, mais au bénéfice de quel journaliste ou artiste invité du Tout-Paris? On ne sait, car le nom manque.

2010-2020

En mai 2010, les travaux de réaménagement du site Richelieu de la BnF nécessitèrent le déplacement du Voltaire assis du salon d’honneur, la célèbre statue de Houdon qui renferme en son socle, depuis la donation Villette [1864 28 février], le cœur de Voltaire. Une forte odeur inhabituelle ayant été détectée à cette occasion autour de la statue, et l’intégrité du reliquaire du cœur ayant été rapidement mise en cause, une expertise des conditions de conservation de cette pièce précieuse fut ordonnée sous la direction de Mme Nathalie Buisson, responsable du Laboratoire scientifique au Département de la Conservation de la BnF. Un premier rapport fut établi dès 2012. On peut lire sur le site https://multimedia-ext.bnf.fr/lettres/conservation/pdf/lettre_cons_32_art2.pdf  un article de Nathalie Buisson, «Le cœur de Voltaire : un secret bien gardé», publié dans Actualités de la conservation, no 32 (2012) – la Société Voltaire en rendit compte dans son Bulletin no 25 (2 décembre 2012). L’opération de sauvegarde, en constatant des anomalies et en dégageant heureusement des solutions pratiques, ouvrit aussi un programme de recherche au-delà de l’urgence. Les voies tracées et l’élargissement de l’équipe interdisciplinaire constituée devaient permettre à terme, d’après les conclusions du premier rapport, «de faire toute la lumière sur le parcours et l’authenticité de cet artefact et de le conserver pour les générations futures». Des prélèvements de tissus organiques ayant été effectués avant le replacement du reliquaire et de la statue, on ignore si l’enquête d’authenticité a pu inclure les restes du Panthéon et les parties conservées par ailleurs du corps de Voltaire: les travaux du laboratoire de la BnF et leurs résultats n’ont pas fait l’objet de nouvelles communications depuis 2012. Mais parmi les dispositions envisagées figurait bel et bien, en bonne place, une option de la biologie moderne que n’avaient pu concevoir en leur temps ni Berthelot, ni les Cabanès, Laborde et Monod dont on a relevé plus haut l’assurance litigieuse ou les perplexités insatisfaites ([1897] et [1898]), et c’est l’unique option propre à régler, définitivement, le cœur du problème éludé jadis par la commission Hamel et modestement rebattu dans ces notes: «l’étude d’ADN comparative» (Nathalie Buisson, «Le cœur de Voltaire : un secret bien gardé», p. 5).

2019

Le petit article «Le cœur de Voltaire» posté sur le Blog Gallica le 30 mai 2019 (par Fabien Aguglia, dans la série «Richelieu hier») mérite une mention spéciale: en moins de cinquante lignes et neuf images, c’est un exemple de l’art et des pouvoirs du billet de blog pour allier culture et curiosité, sens de l’histoire et charge symbolique, actualité et mémoire. L’autopsie, le reliquaire du cœur, la donation, les inscriptions et les procès-verbaux, les dépose et repose de la BnF y sont évoqués en perspective, l’accident de 2010 indiqué et sa réparation saluée, sans que pèsent les enjeux politiques et partisans d’un passé agité, puis apaisé, figurés seulement ici par la statue et son socle, la photo d’un salon d’honneur envahi de ministres et le plan d’une étonnante Rotonde Voltaire quasiment oubliée... Des neuf images qui défilent, la plus forte reste sans doute la seconde, choisie pour illustrer la translation au Panthéon, tirée des Tableaux historiques de la Révolution française [An VI -1798], et excellemment reproduite : «Le Triomphe de Voltaire, 11 juillet 1791».

Annexe. Recherches en cours et documents perdus de vue

1790 novembre-1791 juillet

Sur huit ou neuf mois, le processus qui aboutit à la translation au Panthéon fut en fait jalonné de propositions alternatives, de variantes spontanées, de projets libres, dans une sorte de débat public, tant pour l’organisation que pour l’exécution, l’ultime alternative étant celle de la fameuse Pétition [1791 début juillet] pour une célébration a minima, non festive, dans un repli de réaction religieuse et morale. La réalisation s’était découpée sur d’autres possibles. Cet aspect génétique est méconnu; il engage une vision ouverte de l’événement, l’idée d’une participation politique et civique – retour sur l’histoire qui justifie en soi l’enquête collective. La presse relaya ces contributions, adresses ou appels, et permet de cerner les questions en débat: modalités du retour vers Paris, choix de la date, lieu du dépôt, itinéraire du cortège, etc. Voir par exemple [1791 avril / mai]. On pourrait concevoir, pour traiter cet aspect méconnu, quelques notices regroupant les données par sujets, par titres de journaux ou par orientations partisanes.

1791 mars-juillet

D’emblée, la translation tendit au spectacle festif, à une mise en représentation de l’événement lui-même, conçu comme national et populaire et devant célébrer la Révolution en cours: en témoigne la première initiative de Charron, à peine nommé, une lettre à Villette aussitôt imprimée, qui appelait l’engagement général des artistes et gens de lettres [1791 7-9 mars] – le dossier même des relations confirme la visée par l’effet [1791 10-11 juillet]. Cette dimension spéculaire a été mise au jour à partir de l’Hymne sur la translation de Marie-Joseph Chénier, mis en musique par Gossec (CV17, 2018, p. 214-221). Mais les fonctions de direction et d’organisation restent sous-jacentes au récit constitué, comme si le spectacle s’était autoproduit: c’est sans doute ce qui a suscité, à partir de mentions isolées et d’après ses engagements futurs, l’intuition a posteriori d’une maîtrise scénographique confiée au peintre David. En fait le concours de David à la translation de Voltaire, limité, reste «controversé» (Philippe Bordes, Le Serment du Jeu de Paume de Jean-Louis David, 1983, p. 51 et n. 166). En revanche, l’idée d’une prévalence du politique dans la conduite des deux journées peut être avancée sur l’évidence du rôle central de Pastoret, procureur du département, dans toute la séquence de l’invention du Panthéon (CV19, 2020, p. 201-217). Mais son rôle directeur n’étant pas documenté, il faut remonter aux relations elles-mêmes. Rares sont celles qui alignent plus de deux ou trois noms d’artistes, auteurs ou acteurs participants; mais les noms cités variant d’un récit à l’autre (probablement en fonction de liens personnels ou de réseaux), seul un dépouillement coordonné de ces journaux pourra dégager le «générique» virtuel de l’événement qui fait défaut. Dans l’ombre de célébrités établies (Houdon, Cellerier, Chénier, David) et de figures populaires (Villette, Palloy), on décèle des artistes plus discrets: Bienaimé, Daunou, Dugourc, Sarrette, déjà repérés, mais combien d’autres?... Sans oublier ces anonymes héroïsés par les sections, vedettes du défilé, l’Amazone de la Bastille, les Bonnets de laine des faubourgs – et figurant-spectateur de la fête, le Peuple en masse, en force après la trahison de Varennes.

1791 juillet-septembre

D’autres journaux étrangers que The Times (CV17, 2018, p.221-239) et le Columbian Centinel (CV18, 2019, p. 261-273) ont dû répercuter l’événement et les réactions qu’il suscitait ou pouvait causer, avec des délais que devraient expliquer, selon les cas, l’éloignement des lieux, les conditions de transmission ou d’autres facteurs, de censure ou d’autocensure par exemple. Des périodiques américains sont repérables à partir des indications du répertoire de Mary-Margaret Barr (Voltaire in America. 1744-1800, Baltimore, 1941 – voir aussi CV18, p. 269-270). Des  journaux anglais et irlandais, allemands sûrement, probablement hollandais et suisses, peut-être italiens, doivent recéler des échos inédits de l’apothéose du Panthéon. Des étrangers notables ou anonymes, en voyage ou en fonction, ont dû aussi en faire des récits ou laisser des souvenirs.  L’Europe française allait se défaire sous la poussée des nations, mais l’éclat de la renommée de Voltaire gardait une force d’attraction, et la question surtout de son influence et de son rôle dans cette Révolution de France a dû constituer un objet d’intérêt en soi – de réflexion, d’inquiétude, d’espérance?... Pour les diplomates américains, voir les indications de CV18, p. 268. Les contrefaçons allemande et hollandaise des Tableaux de la Révolution française seraient aussi à exploiter: voir plus haut [An VI -1798]. Une vision prismatique de l’événement vu du dehors pourrait s’esquisser ou s’affiner au fil de notices à venir.

1806 19 février

Le rapport de Portalis se trouve-t-il aux AN?

1815-

AN F13 1141-1144: travaux du Panthéon sous la Restauration et la monarchie de Juillet (voir Emmanuel Fureix, La France des larmes, 2009, p. 468).

8 avril 1816

Manque la pétition Gauthier de Claubry demandant l’expulsion de «[ces deux hommes] qui travaillèrent sans relâche à la destruction des idées les plus fondamentales de la morale publique, du trône et de l’autel». Cote notée par Fureix, ibid.: AN C /2400 (inventaire) et C/2032 (texte).

1821 décembre ?

AN F13 1141, sous-cote inconnue. S’y trouverait une requête de Mgr Quelen, archevêque de Paris pour «soustraire aux regards du public les sarcophages de Voltaire et Rousseau»: document clé peut-être, s’il a pu commander le «déplacement» des deux tombeaux sous le porche de l’édifice [29 décembre 1821].

1821 25 décembre

L’ordre ministériel manque – si ordre il y eut. Serait-il aussi conservé aux AN?

21 avril 1828

Pétition d’un sieur Legrand, architecte, réprouvant la dissimulation des tombeaux de Voltaire et Rousseau et demandant leur transfert au cimetière du Père-Lachaise. Cote: AN C2095. [S’agit-il du même Legrand que dans l’élément suivant?]

1829 25 avril

Pétition Lepayen-Legrand à la Chambre des députés, à retrouver aux AN – sous la cote C/2032?

1852

Les deux journaux de 1852 mentionnés supra [1852-1864] seraient précieux à retrouver, pour les données de contexte qu’ils pourraient fournir sur le procureur Montaubricq et pour d’éventuels commentaires sur sa déclaration publique.

1884

Paul Lacroix, alias le Bibliophile Jacob (1806-1884) joua un rôle clé dans le débat ouvert autour de la violation présumée des tombes de Voltaire et Rousseau au Panthéon. Il y fournit d’emblée un témoignage indirect, provisoirement anonyme, mais décisif compte tenu de son autorité, qui venait confirmer la rumeur ancienne par un récit circonstancié, en situant le fait en 1814 et en identifiant deux exécutants, récit extrait, précisait-il, de ses propres «Mémoires» à paraître après sa mort. Le débat se poursuivant, Paul Lacroix fut amené à y intervenir à deux autres reprises, en mentionnant à chaque fois ses mémoires : voir l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, no 2 (15 février 1864, p. 25-26); no 4 (1er avril 1864), p. 49-50 (où sa lettre du 10 mars est citée d’après une autre source) et no 11 (20 août 1864), p. 162-163. On y découvrirait un jour le nom de son informateur, qu’il devait taire de son vivant – un ami, un proche, un homme sûr et fiable. Dans sa dernière intervention, il précisa qu’on y trouverait «beaucoup plus de détails» qu’il n’en avait livrés et, en plus des deux exécutants déjà identifiés, «les noms de trois autres personnes» impliquées.

En 1882, Paul Lacroix publiait des bonnes feuilles de ses mémoires sous le titre  «Simple histoire de mes relations avec Honoré de Balzac. Extrait abrégé de mes Mémoires inédits» (Le Livre. Revue mensuelle, 1882, p. 151-161, 178-189 et 270-287). Il annonçait qu’ils paraîtraient «quand [s]a mort les aura[it] mis en lumière... » (p. 159) – formule piquante, bien dans son style, anticipant autour de sa disparition un effet soudain de curiosité... Il mourut deux ans plus tard, le 15 octobre 1884, dans son appartement de fonction de la Bibliothèque de l’Arsenal, dont il avait été l’un des conservateurs les plus en vue, une star de l’érudition bibliophilique. Mais dans les papiers réapparus après sa mort, du moins dans ce qu’on en connaît aujourd’hui par deux dépôts publics importants, celui de la Bibliothèque municipale de Montpellier (don Paul Lacroix, 1884) et celui de l’Arsenal (legs Paul Guilhiermoz, 1928), on n’a jamais pu déceler la moindre trace de tels «Mémoires».

Que sont-ils devenus? Le bibliophile Jacob  en avait pourtant souhaité, annoncé et même, de toute évidence, préparé la publication. En 1886, leur dernier signe de vie posthume, un de ses amis bibliophiles attestera avoir connaissance de «douze volumes de ses Mémoires, qui s’arrêtent à la date de 1850» (Octave Uzanne, Nos amis les livres : causeries sur la littérature curieuse et la librairie, Paris, 1886, pp. 193-194). L’absence ou la perte définitive de ce manuscrit devrait pouvoir s’expliquer – mais comment?... Ô secret insondable des consciences scrupuleuses d’héritiers craintifs ou prudents!... Ô Guilhiermoz, discret neveu et légataire érudit (il fut conservateur lui aussi, à la BnF), puis exécuteur tardif d’un oncle célébrissime et si répandu – et détenteur de secrets si sensibles, trop sensibles peut-être?... Toute idée de nouvelles pistes exploitables serait bienvenue.

1897 18 décembre

Les préliminaires de la mission d’expertise des tombeaux au Panthéon  – initiative, requête, accord, ordre de mission, composition de la commission – ne sont pas documentés: la lettre-bilan de Charles Monod évoque  des flottements [1898 11 février]. D’autre part, mis à part le rapport académique de Berthelot, on n’a pas trace d’autres rapports remis au ministre ou à l’administration, selon l’usage, en particulier de la part du sénateur Hamel et de représentants personnels du ministre au sein de la commission – mais Hamel mourut le 6 janvier suivant et Rambaud allait quitter le ministère en juin 1898. Trouvera-t-on d’autres documents?

2016-2020

Sur la suite et les conclusions des travaux du Laboratoire scientifique de la BnF après l’accident de conservation du cœur de Voltaire constaté en 2010, les demandes d’information présentées au nom de la Société Voltaire sont restées sans réponse à ce jour, 18e de décembre 2020.

Facebook